17 - Une nouvelle amitié (1/3)

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— Je tiens personnellement à m'excuser, monsieur Beauciel. Nous ne cautionnons pas ce genre d'attitude dans la police, une commission disciplinaire décidera du sort du surveillant.

La phrase réjouit les oreilles d'Arthus, une satisfaction brève. Quand il saisit le verre d'eau que lui tendait l'officier de police par-dessus son bureau, une douleur dans son bras lui arracha une grimace.

Un gardien était intervenu pendant sa bastonnade et l'avait aussitôt emmené à l'infirmerie. Le médecin avait conclu à de multiples contusions, soignées d'abord avec des compresses glacées, puis du baume à base d'arnica. Un traitement efficace. Arthus avait relevé peu d'hématomes sur sa peau blanche au matin. Sa souffrance provenait tout autant des coups que de ses crispations, quand il se protégeait. Elles avaient généré des courbatures, l'avait rassuré le personnel médical.

Le surveillant l'avait clamé à Essam. Ils savent comment tabasser sans rien casser.

Quoique la soif ne le dérangeât pas, puisqu'il venait de terminer son déjeuner, Arthus vida lentement son verre. Un gardien l'avait conduit chez l'officier sans explications, et il voulait jauger son « adversaire ».

L'homme lui plut. Le policier d'origine asiatique, aux iris céruléens, affichait à la fois un visage dur et un sourire encourageant.

Il ne se fait pas d'illusions sur la vie, mais éprouve encore de l'empathie.

Ordonné également : du costume, aux plis impeccables, jusqu'au bureau, où peu de cahiers s'empilaient, en passant par les étagères sur les murs, avec ses livres rangés par taille.

De bon augure ? Je l'espère.

— Les autres gardiens ne m'ont pas molesté, lança Arthus en signe de paix. Et le vicomte Devildiur l'avait encouragé.

— Le médecin nous a rapporté votre accusation. Je ne la mets pas en doute, mais les visites sont interdites. Ce noble a dû graisser la main d'un des fonctionnaires, il n'est ni le premier ni le dernier. Malheureusement, sans preuve, nous ne pouvons rien faire. Pourquoi vous en veut-il ?

L'espoir tambourina dans la poitrine d'Arthus. Avec cette occasion de raconter son histoire, qu'il n'avait jamais partagée avec qui que ce soit, son calvaire se terminerait. Seulement, elle signifiait salir la mémoire de Jérémie et que l'officier réussisse à influencer Essam.

Il est déjà impuissant au sujet de la bastonnade.

Cette triste réalité claqua la fenêtre à peine entrouverte, Arthus continuerait à payer pour son échec. La mort dans l'âme, il murmura :

— Une rancune tenace concernant un de mes automates qui l'a ridiculisé devant les nobles. La bonne société n'aime pas ça. Quand le vicomte a appris mon arrestation, il en a profité. Il ne recommencera plus.

Convainquit-il l'officier ? Impossible à savoir, Arthus fixait les pieds du bureau, comme si leur forme en pattes de lion le fascinait, au lieu de lire l'expression faciale de son interlocuteur. Changer de sujet s'imposait. Il se redressa et clama :

— L'accusation du bourgeois me paraît plus grave. Pourrais-je fournir ma version ?

Une pause, un silence un peu trop long au goût d'Arthus, et enfin le policier rétorqua :

— Ce sera inutile, je l'ai interrogé. Il avait omis de raconter toutes les circonstances de l'agression, vous défendiez la pilote Jia Wang, autorisée aux armes par sa fonction. Nous avons réussi à obtenir son témoignage ce matin.

Arthus ouvrit, puis referma la bouche, sous le coup de la surprise. Il avait mal jugé la jeune femme, ou plutôt, il avait sous-estimé le bourgeois qui avait tourné à son avantage les évènements, sûr de son importance et de sa parole, face à un petit artisan.

Pour une poignée de steamglas T1 : Déchéance et engrenagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant