Papa, maman, mon corps est un placard, les monstres vivent dedans

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J'ai vingt ans.

Pourtant, au fond, j'ai l'impression d'en avoir toujours six.

Mon corps a grandi, j'ai acquis de nouvelles connaissances.

Mais mes peurs, elles, sont toujours les mêmes. Elles ont simplement grandi elles aussi. Elles ont prit de l'ampleur, deviennent difficiles à dompter. Elles sont comme des chiens enragés que je tente de tenir en laisse. Ils tirent sur leurs chaînes de toutes leurs forces, pour les voir se briser. Et moi, j'essaie de faire tenir les laisses, de ne pas les laisser céder.

On a cette image des enfants, ces êtres fragiles dont la tête est emplie de gentils cauchemars, de frayeurs extravagantes. Et on a cette image des adultes, qui peu importe les mauvais rêves qui tourmentent les petits êtres, vont les réconforter. On a beau juger les peurs de l'enfant, en rire d'attendrissement, on lui vient toujours en aide pour qu'il sèche ses larmes et apaise son cœur. Même si ce qui le terrorise est le monstre dans son placard vide.

Moi j'ai vingt ans. Je suis adulte. Mais au fond, j'ai l'impression d'être toujours une enfant, un être apeuré par des idées irrationnelles.

Et mes cauchemars à moi, les démons qui les nourrissent, alors qu'ils auraient dû s'évanouir avec le temps, ils ne font que grandir avec moi, en moi. Les autres adultes les trouvent extravagants. C'est normal, ils n'ont pas changé. Ce sont les mêmes cauchemars que ceux de mon enfance, ils se sont simplement allongés à mes côtés tout ce temps. Nous avons poussé ensemble.

Mais mes cauchemars ne devraient plus être absurdes. Ils devraient terroriser un adulte.

Mes monstres extravagants ne font pas peur.

Je suis une adulte. Alors, personne ne me console quand mes démons me tourmentent. On ne vient plus sécher mes larmes et apaiser mon cœur comme on le faisait quand j'étais enfant.

Pourtant, les petits monstres que je transporte avec moi deviennent de plus en plus gros, prennent de plus en plus de place dans mon corps, et dans mon cœur. J'essaie de me battre contre eux très souvent, pour qu'ils s'évanouissent enfin, comme ils auraient dû le faire, des années plus tôt. Ça ne marche pas très bien. Ils sont toujours là, ils sont toujours les mêmes. Ils continuent simplement à se nourrir, et deviennent parfois si gros que j'ai l'impression que mon corps va exploser.

Je crains qu'ils ne partent jamais.

14 Mai 2023

Dear Diary,Où les histoires vivent. Découvrez maintenant