J'entrouvre mes yeux. Bitume. Je ne vois que du bitume. Non, j'aperçois la bande rouge de son casque. Elle se retourne vers moi, elle a l'air inquiète.
« Ça va ?
- Oui. »Je crois que nous sommes tombées. Oui, ça va. Je suis en vie, je suis consciente.
Mais ma tête me fait mal. Horriblement mal. Je pousse sur mes bras, tente de me redresser, sans succès.
« J'arrive pas à me relever. »
Mes yeux s'ouvrent et se ferment, ma tête se fait lourde, je pense que je vais sombrer.
Non, je ne peux pas perdre conscience. Pas maintenant. Pas ici. Ce serait trop dangereux.
Je tente une nouvelle fois de me lever. Je titube, je perds l'équilibre, j'ai mal. Je suis complètement étourdie, mais mes jambes semblent capables de supporter mon poids.
Je me retourne et me demande pourquoi est-ce qu'elle est encore allongée sur le sol.
« Aide moi, le scooter est sur ma jambe. »
Je tends mes bras, essaie de me pencher pour soulever l'engin, mais je titube encore. Impossible de l'approcher, impossible de l'effleurer.
J'entends une porte de voiture claquer. Je me retourne. Non, une porte de camionnette. Une femme en sort, elle aussi a l'air inquiète.
« Vous allez bien ? »
J'ouvre ma bouche pour lui répondre mais aucun son n'en sort. Je n'arrive plus à parler.
« Oui ça va, mais est-ce que vous pouvez m'aider ? Mon scooter est sur ma jambe. »
Je vois la dame s'approcher, se pencher, soulever l'objet. Puis, je la vois se relever. Elle récupère le guidon, pousse la machine sur le côté de la route. Je la suis, chancelante.
« Vous êtes sûres que ça va ? Vous voulez que je vous dépose chez vous ? »
J'ouvre une nouvelle fois ma bouche pour répondre, mais rien. Aucun son.
« Non merci c'est bon, je peux pas laisser mon scooter ici, on va se débrouiller. »
La dame acquiesce, retourne dans sa camionnette, elle semble toujours inquiète. La fourgonnette redémarre, puis s'éloigne.
Il ne reste plus qu'elle et moi. Seules sous la pluie, dans le froid.
Ma tête me fait toujours mal. Je retire mes gants puis mon casque. La douleur s'intensifie. Assommée. J'ai la sensation d'avoir été assommée.
Lentement, je réalise, je prends conscience, je réfléchis. Mon bras me brûle. Je la regarde, elle aussi semble être sous le choc. Son regard rencontre le mien.
« J'ai mal à la tête, je pense que je vais m'évanouir. »
Je retrouve la parole, et arrive enfin à articuler quelques mots.
« Respire. »
Je la vois étendre sa grande écharpe sur le sol, elle s'assoit. Je m'accroupis à côté d'elle et nous restons assises, seules sous la pluie, dans le froid.
Une camionnette passe, ralentit, recule. Un homme ouvre sa fenêtre, il semble inquiet. Moi aussi je suis inquiète.
« Ça va ? »
Oui, ça va. L'homme semble peu convaincu. Et il nous envoie un regard plein d'empathie avant de repartir.
Puis, elle a commencé à se plaindre.
« J'ai très mal à mon poignet.
- Le bouge surtout pas. »Mais elle continuait à le bouger.
Une dame et son fils se sont approchés de nous avec un parapluie.
Le même scénario s'est répété.
« Ça va ? »
Oui, ça peut aller.
Sauf qu'eux, ils ne sont pas partis. Ils sont restés avec nous, parce qu'ils étaient inquiets.
Elle pleurait, elle avait mal. Les larmes dévalaient ses joues, marquant leur passage d'une traînée noire.
La mère nous a questionné, puis rassuré. Elle a laissé son parapluie au dessus de nos têtes, et nous a couvertes.
Nous n'étions plus seules sous la pluie, dans le froid. Elle était là, il était là, lui aussi.
Et nous sommes restés un moment comme ça, assises sur le bitume, à côté du scooter, sous le ciel gris, la pluie et les pleurs.
29 Octobre 2019
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Dear Diary,
DiversosPour que le souvenir de mes émotions ne s'évapore pas avec le temps. Pour que je me souvienne de la douleur. Pour que je me souvienne de l'euphorie. Pour que je me souvienne de l'amour et de la haine. Pour que ces sensations ne sombrent pas dans l'o...