3 : Soutien

960 60 27
                                    

Ayame se laisse tomber sur sa chaise avec un soupir. Le réveil semble avoir été particulièrement compliqué pour elle, puisque contrairement à d'habitude, ses yeux ne sont pas maquillés. 

Mais je ne peux pas dire que je m'en sors mieux qu'elle. Il est grand temps pour nous que les vacances d'été arrivent...

- Le mec avec qui je devais passer Tanabata m'a lâchée, annonce-t-elle d'une voix morne. 

Je hausse les sourcils. 

Ayame est d'une beauté rare et spéciale, alors généralement, c'est plutôt elle qui pose des lapins. Les garçons ont souvent tendance à être attirés par elle, éclipsant le reste des filles. Quelque part, je l'ai toujours un peu enviée pour ça. 

- Il t'a dit pourquoi ?

- Qu'il avait autre chose de prévu, soupire-t-elle. Une excuse bien bidon.

Elle esquisse une grimace.

- Tu veux qu'on y aille ensemble ? je propose. 

- Ça te dérange pas ? s'étonne-t-elle. T'as personne avec qui y aller ?

Je jette un rapide coup d'œil au garçon assit juste devant moi. Il passe une main dans ses cheveux lavande pour les recoiffer. 

- Non, dis-je finalement.

Soudain d'humeur plus joyeuse, Ayame sort ses affaires de son sac avec un sourire. 

Ce n'est pas très gentil de ma part, mais au fond de moi, je suis contente qu'elle se retrouve seule aussi pour le soir du festival. Au moins, je n'aurai pas à passer cette soirée à me promener en solitaire. 

- Il serait temps qu'on te trouve un copain, reprend-elle d'un air songeur.

J'ouvre la bouche pour lui répondre mais notre professeur entre dans la classe au même moment. Tant mieux... Je n'étais pas d'humeur à déblatérer sur ma vie sentimentale de bon matin. 

- J'ai quelque chose à vous annoncer avant qu'on ne commence ce cours.

Nous sortons de notre torpeur, prêtant une oreille attentive. Des rides précoces apparaissent entre ses sourcils lorsqu'il les fronce. 

- Juste avant que vous ne partiez en vacances d'été, le collège a décidé d'organiser un évènement. Puisque nous n'allons pas organiser de voyage scolaire cette année, nous avons voulu le remplacer. 

Il marque une pause. Sans comprendre, j'échange un regard perdu avec Ayame.

- Donc j'ai l'honneur de vous annoncer qu'une soirée regroupant élèves et professeurs se tiendra dans le gymnase, le soir des vacances. Nous comptons bien évidemment sur votre discipline, et...

- Une soirée ? répète une fille en gloussant. Vous voulez dire que c'est une sorte de bal ? Comme dans les films américains ?

Immédiatement gêné, le professeur se met à toussoter. 

- C'est plus ou moins l'idée, effectivement. Je ne vous cache pas que j'étais contre, mais la nouvelle génération étant... Comment dire...? Plus dévergondée...

- Est-ce que les garçons doivent inviter une fille pour y aller ? l'interrompt Ayame. 

- Vos plus jeunes professeurs ont émis cette hypothèse. Mais ne vous méprenez pas, ajoute-t-il en haussant le ton pour couvrir les murmures, cela a uniquement pour but de resserrer vos liens, pas pour jouer aux filles de l'air...

Le reste de ses paroles est noyé dans les vives conversations qui reprennent. Si la plupart des filles semblent ravies, les garçons s'avachissent sur leur table d'un air mécontent. 

De mon côté, je ne sais pas dans quel camp me ranger. Si l'idée du bal ne me déplaisait pas, le fait de devoir se faire accompagner par un cavalier est loin de m'enchanter. Même si ça me fait penser à ces films à l'eau de rose qu'Emma adore, je ne pense pas que ce soit une bonne chose de rendre réelles ce genre de fictions.

- S'il-vous-plaît ! reprend le professeur d'une voix forte. Ouvrez vos livres page 394 et cessez de bavarder, on a du pain sur la planche.

 ⋆˚ 。✿ 。˚⋆

Fatiguée de ma journée de cours, j'arrive devant la salle du club de couture où quelques filles attendent déjà. Je suis rapidement suivie de Mitsuya qui ouvre la porte après nous avoir gentiment saluées. 

Tandis que nous nous installons derrière nos tables, je le regarde enfiler un gilet beige par-dessus son uniforme. Distraite, je sors lentement mes affaires de mon sac. Ce sont les bruits des machines à coudre qui me ramènent à la réalité. 

- Faites attention à ne pas vous blesser, nous rappelle-t-il. 

J'entends quelques gloussements lorsque je sors une feuille de papier. Il faut dire que la bienveillance de Mitsuya a toujours fait son petit effet...

- T'as prévu quoi aujourd'hui, Suzuki ? questionne-t-il en se rapprochant de moi.

- Un ruban pour nouer dans les cheveux, dis-je. Pour ne pas prendre de risques.

Il rit doucement. 

- Je vois. Hésite pas à me demander si t'as besoin d'aide. 

Je souris pour lui répondre tandis qu'il se détourne pour retourner à son propre travail. Mon regard reste bloqué sur lui quelques secondes avant que je ne me rende compte que j'étais en train de le fixer. 

Les lèvres pincées par la concentration, je commence à perdre la notion du temps. Cette fois, je veux réussir. Ce serait inacceptable que j'échoue à faire un pauvre ruban alors que j'ai Mitsuya pour mentor. 

Mais ça commence déjà à coincer au découpage du tissu, que je n'arrive même pas à faire droit. Est-ce possible d'avoir deux mains gauches à ce point ?

- Donne.

S'asseyant sur un tabouret à côté de moi, Mitsuya prend mes ciseaux pour rectifier le tir. Je le regarde faire avec une honte grandissante. 

- Est-ce que t'aimes vraiment la couture ? demande-t-il alors.

- Je suis mauvaise au point que ça te fasse douter de ça ?

- Non, sourit-il. Mais si tu veux t'améliorer, je peux te donner un cours de soutien. 

La machine à coudre de la fille brune assise à ma gauche cesse soudain de fonctionner. 

- Un cours de soutien ? je répète, incertaine. 

- Si t'es réellement passionnée, je trouverais ça dommage que tu lâches parce que tes débuts sont difficiles. Mais tu peux refuser, s'empresse-t-il d'ajouter en me voyant hausser les sourcils.

Mitsuya me redonne le tissu parfaitement coupé, de la même largeur qu'un lacet de chaussure. C'est une proposition aussi bien inespérée que tentante. Sauf s'il fait ça uniquement par pitié, bien évidemment.

- Je veux bien, je réponds finalement.

Son sourire s'élargit.

- Dans la matinée de samedi, ça te va ? Quelques clubs du collège sont aussi ouverts ce jour-là, ça ne gênera personne.

- C'est parfait, j'acquiesce.

La sonnerie coupe court à notre conversation. La fille qui s'était arrêtée de coudre pour nous écouter me lance un regard mécontent que je fais mine de ne pas voir. 

Cette offre de « cours de soutien » peut sembler étrange, mais au vu de mes talents dans ce domaine, j'en ai bien besoin... Il n'y a pas de quoi se réjouir non plus. 

Cependant étourdie, j'en oublie l'ébauche de ruban dans la salle lorsque je la quitte, perdue dans mes pensées.

Mille couleurs (Mitsuya x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant