Une odeur de porc pané flotte dans toute la maison. Jamais ma mère ne s'était autant démenée pour faire la cuisine, même le jour où mon père avait invité son patron à la maison pour obtenir une promotion.
L'atmosphère a rarement été aussi lourde. Déjà assit sur sa chaise, mon père est penché sur son journal. Je remarque rapidement qu'il fait semblant de lire puisque ses yeux ne bougent pas. Ses doigts tapent une cadence désordonnée sur la table.
- Ôte cet accessoire ridicule, me lance ma mère en désignant le ruban dans mes cheveux.
- C'est Takashi qui me l'a offert, je me défends.
Elle s'apprêtait à répondre, mais la sonnette retentit au même moment. Sursautant d'abord, ma mère s'empresse d'enlever son tablier pour aller ouvrir la porte. Mon père jette le journal sur le canapé pour la rejoindre. Ils ont l'air plutôt anxieux, mais je ne peux pas dire que je m'en sors mieux qu'eux. J'ai la bouche si sèche qu'elle pourrait très bien concurrencer le Sahara.
Après s'être poliment salués, ils laissent entrer la famille de Mitsuya. Sa mère, une femme de taille moyenne au regard doux, est tout le contraire de la mienne. Elle respire la gentillesse et son visage est illuminé d'un sourire chaleureux, tout comme son fils. Deux petites filles sont accrochées de part et d'autre de sa taille.
- Elles sont adorables, je souffle à Mitsuya alors que nous nous asseyons à table.
- Parle pas trop vite, sourit-il. T'as pas vu Luna au réveil.
Ses deux sœurs ayant déjà mangé avant de venir, ma mère les installe dans le canapé, non loin de nous. Elle fait alors preuve d'une bienveillance que je ne lui connais pas puisqu'elle leur allume la télévision sur une chaîne pour enfants.
- Merci d'avoir accepté l'invitation, dit-elle en venant se rassoir.
- Merci à vous, répond la mère de Mitsuya. Je comprends que vous soyez inquiets pour votre fille.
- Nous voulons le meilleur pour elle, renchérit mon père, comme tout bon parent qui se respecte...
C'est d'une hypocrisie sans nom mais je tente de rester impassible. Mais Mitsuya, lui, a froncé les sourcils. Il savait déjà à quelle catégorie de personnes mes parents appartenaient, mais à présent il a toute l'occasion pour les voir à l'œuvre.
- Oui, je suis d'accord avec vous. J'ai eu beaucoup de mal quand mon compagnon est parti, mais quand je vois tout le mal que Takashi se donne pour ses sœurs... Je pense avoir quand même réussi mon travail de parent.
Ma mère, occupée à nous servir de son fameux porc pané, s'arrête un instant.
- Parti, vous dites ?
- Il ne se sentait sans doute pas d'être père de trois enfants.
Mes parents échangent un regard interloqué. Heureusement, cela passe inaperçu aux yeux de la mère de Mitsuya.
- Pour être honnête avec vous, je pense que c'est mieux comme ça, poursuit cette dernière. C'est certes mal vu au Japon, mais je préfère avoir un compagnon absent plutôt qu'un compagnon qui rend malheureux mes enfants.
- Sans aucun doute, approuve faussement ma mère, qui ne fait rien pour cacher son scepticisme.
Nous entamons notre repas dans un silence pesant, rompu uniquement par le son faible de la télévision. Même les sœurs de Mitsuya ne font aucun bruit. Quel malaise...
Voulant fuir la pièce à tout prix, j'engloutis mon porc pané en quelques minutes. Plus vite ça se termine, mieux ça vaudra.
- Votre fille a un grand appétit, ça fait plaisir à voir !
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Mille couleurs (Mitsuya x OC)
FanfictionFroide et terne. Voilà ce qu'était ma vie en dehors de mes deux meilleures amies, Ayame Mori et Emma Sano, ainsi que des heures passées en compagnie de Takashi Mitsuya au club de couture. Tout me semblait tristement livide. Mais évidemment, ce garç...