14 : Salle de bain

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Ce sont des nuages orageux qui nous obligent à mettre fin à cette journée. Le temps a filé à une vitesse proche de l'indécence.

Tandis que Mitsuya se dépêche de me refaire monter à l'arrière de sa moto, la météo devient de plus en plus menaçante. Emma me fait rapidement promettre de ressortir avec eux avant que nous partions chacun de notre côté, se faisant des grands signes de la main en guise d'au revoir.

Évidemment, la pluie ne nous laisse pas le temps d'arriver chez moi. Elle tombe de plus en plus fort, si bien que je finis trempée en quelques minutes. En passant devant les voitures, je regrette le confort et la chaleur de ces dernières... J'aperçois même des visages se tourner vers nous en nous lançant des regards de pitié.

- Il va falloir que j'accélère, me crie Mitsuya. T'es bien accrochée ?

Je m'étais tenue au siège jusqu'ici, mais cette fois je ne vais pas avoir l'embarras du choix.

Il se raidit un instant lorsque j'enroule mes bras autour de sa taille. Malgré le déluge qui s'abat sur nous, je sens une vague odeur de fleur venant de ses vêtements. Je le serre un peu plus fort quand il accélère.

Je pose mon front sur son épaule pour couvrir mon visage de la pluie. Mes cheveux dégoulinent sur mes joues et ma nuque, ce qui me donne encore plus froid. Mitsuya frissonne, et je peine moi-même à ne pas trembler.

Toujours sous une pluie torrentielle, nous arrivons finalement chez moi au bout de longues minutes de trajet. Mitsuya donne l'impression d'avoir plongé tout habillé dans une piscine.

- Viens te sécher, je propose, incapable de laisser repartir dans un tel état.

- Ça te dérange pas ? s'inquiète-t-il.

Je hoche la tête pour lui indiquer que non. Après tout ce qu'il a fait pour moi, je lui dois bien ça.

En entrant, je constate avec soulagement que mes parents ne sont pas encore revenus de leur travail. Je referme la porte derrière nous et lui indique la direction de la salle de bain.

Il nous faut plusieurs minutes pour nous remettre du voyage. Essoufflés comme si on avait couru, je lui donne une serviette tandis que je suis contrainte d'essorer mes cheveux dans le lavabo. C'est comme si je venais de sortir de la douche.

- T'as gardé le ruban, remarque-t-il en mettant sa serviette sur ses épaules.

- Pour une fois que je réussis quelque chose, dis-je avec un sourire.

Mitsuya me le rend immédiatement et s'assoit sur le rebord de la baignoire, où je m'installe également. Nos vêtements étants toujours imbibés d'eau, nous tremblons légèrement de froid. Nos épaules se cognent.

- Tu te souviens qu'on était dans la même école primaire ? demande-t-il au bout d'un moment.

- Oui, pourquoi ?

En effet, j'ai encore quelques souvenirs de lui dans la cours de l'école. Mais nous ne nous sommes jamais adressé la parole.

- Je viens de m'en rappeler. Tes cheveux étaient déjà très blonds, dit-il en riant.

- Tu peux parler, je rétorque, ta couleur est loin d'être banale aussi.

- Mais c'est pas ta couleur préférée ?

J'allais répliquer mais il tend une main vers mes cheveux au même moment. Il termine son geste et enroule lentement une mèche autour de son doigt. Je ne dis rien, bien que je sente mes joues s'empourprer.

Nos regards se croisent et Mitsuya laisse retomber sa main sur sa cuisse.

- T'aimes bien mes cheveux, on dirait, je remarque en me moquant doucement.

Cette fois, c'est à lui de rougir. Il s'empresse de détourner le regard, comme si je venais de le surprendre en train de faire quelque chose d'interdit.

Il se relève de la baignoire et se frotte la nuque un peu nerveusement, hésitant visiblement à reprendre la parole. Finalement, il se tourne de nouveau vers moi ;

- Il y a un festival le 3 Août. Ça te dit qu'on y aille ensemble ?

- Oui, c'est une bonne idée, je réponds.

- C'est moi ou j'ai réussi à te faire sortir de tes révisions ?

Cette remarque est d'autant plus véridique qu'elle m'en rend mal à l'aise, mais je ne détourne pas le regard.

Sans aucun signe avant coureur, Mitsuya pose sa main sur ma tête avant de m'ébouriffer légèrement.

- Tu peux être fière de toi, dit-il avec un sourire.

C'est la première fois que quelqu'un me dit ça, et pourtant, je sais que c'est sortis de sa bouche que ces mots auront le plus de valeur.

Mon cœur se met à battre avec telle intensité qu'il semble menacer de sortir de ma poitrine. Les doigts de Mitsuya descendent alors lentement le long de ma joue pour rejoindre mon menton. Il relève doucement ma tête avec son index. Mes yeux quittent les siens pour s'orienter un peu plus bas.

Tout aussi soudainement qu'il l'a créé, il rompt le contact physique, me faisant sortir de la transe dans laquelle j'étais entrée. Qu'est-ce qu'il vient de se passer, là ?

Je vois qu'il tente de ne rien montrer, mais il peine à rester impassible. Son comportement semble l'avoir tout autant dérouté que moi.

- Je crois que la pluie s'est calmée, dit-il d'une voix un peu plus confuse qu'à l'ordinaire. Je vais me dépêcher de rentrer...

- Oui, peut-être..., je réponds vaguement, encore perturbée.

Toujours la tête ailleurs, je le raccompagne jusqu'à la porte d'entrée. Il pose sa main sur la poignée. 

- On se revoit dans quelques jours, sourit-il. Merci, Kelly.

- Merci à toi, plutôt.

Il lève son pouce en l'air et me jette un dernier regard en longeant rapidement l'allée du jardin. J'attends de le voir s'en aller, mais même lorsqu'il disparaît de mon champ de vision, je reste immobile sur le pas de la porte. En réalité, j'ai l'impression de ne pas avoir quitté la salle de bain.

Je finis par retourner dans ma chambre après un long moment, l'esprit encore embrumé, et l'aura colorée de Mitsuya gravée dans ma rétine.

Mille couleurs (Mitsuya x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant