24 : Aussi loin que je me souvienne

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Des années plus tôt

Avant que je ne rencontre Ayame et Emma, j'étais une enfant solitaire. Dès que j'ai été en âge de savoir parler, mes parents m'ont élevée dans l'unique but d'être meilleure que les autres. Les émotions n'avaient pas leur place dans cette éducation froide. 

Ils pensaient que c'était la bonne chose à faire. S'ils ne cédaient pas à mes caprices d'enfant, je deviendrai une adulte responsable, droite et professionnelle. Bien qu'ils ne me l'aient jamais dit, j'ai toujours été persuadée que la grossesse de ma mère n'était pas désirée. Et la marque évidente de cet accident était mon prénom ; Kelly. Un prénom américain, différent de la norme Japonaise, comme pour souligner le fait que je n'avais pas ma place avec eux. 

Quand je suis entrée à l'école maternelle à l'âge de 3 ans, je ne parlais pas encore. Il s'agissait tout autant d'une fatalité pour mes parents que pour moi ; si eux se demandaient quelle malédiction pesait sur eux, moi je demeurais désespérément seule.

Une blonde qui, de surcroît, ne parlait pas ? Personne ne voulait être ami avec quelqu'un comme ça.

Personne... à une exception près.

Dans la cours de l'école, il y avait ce petit garçon aux cheveux d'une couleur extraordinaire. Je passais mon temps à l'observer de loin. De peur qu'il ne soit comme les autres, je n'ai pas osé m'avancer vers lui. Mais il était différent. Il avait une gentillesse qui émanait de lui et l'entourait comme un halo de lumière.

- Eh. C'est toi la fille qui sait pas parler ?

Incapable de répondre bien que j'en avais terriblement envie, j'ai simplement hoché la tête.

- Tu t'appelles comment ?

- K...

C'était la première fois qu'un son sortait de ma bouche. Le garçon a sagement attendu que je réussisse à achever ma phrase.

- K...elly.

- Moi, c'est Takashi. On joue ?

Il n'y avait pas la moindre trace de méchanceté dans sa proposition. Il souriait gaiment, et bien que je ne me contentait que du strict minimum pour répondre, il me faisait la conversation. 

C'était mon tout premier ami. J'en étais si heureuse. 

Avec lui, j'ai même commencé à parler un peu plus. Au fil des semaines, ma parole se débloquait et mes parents en étaient ravis. Ils ont sauté sur l'occasion pour essayer de m'apprendre à lire. Mais après de nombreux efforts vains de leur part, leur animosité est revenue aussi vite qu'elle avait disparue.

Je n'étais pas d'humeur à apprendre. Non, moi, je voulais jouer avec Takashi. Et cela leur a fortement déplu. Comment un petit garçon pouvait bien réussir à faire barrière à leur éducation ?

- L'inviter à la maison ? Pour jouer avec lui ? C'est hors de question, Kelly. Concentre toi plutôt sur tes apprentissages, ou tu n'arriveras jamais à rien. C'est ça que tu veux ?

Après ça, ils m'ont interdit de reparler à Takashi. Comme j'étais une enfant, je n'ai fait qu'obéir à mes parents et ait arrêté de passer du temps avec lui. Cela m'a fendu le cœur.

Mon cerveau a certainement considéré cet événement comme quelque chose de trop difficile à supporter. À la rentrée de l'école primaire, je n'avais plus aucun souvenir de notre amitié.

Mais mon inconscient, lui, s'en rappelait. Alors, j'ai continué de l'observer de loin. Nous ne faisions qu'échanger des regards, et cela me suffisait amplement. Quand j'ai vu que j'étais dans la même classe que lui au collège, j'ai décidé d'essayer d'apprendre à le connaître. De ce fait, je me suis inscrite dans le même club que lui, et des liens ont pu renaître entre nous.

Le monde m'a toujours paru gris et sombre. J'étais persuadée que ma vie se déroulerait tel un film en noir et blanc, et que c'était immuable. Les choses n'étaient pas destinées à changer.

Mais un jour, Takashi est apparu dans mon champ de vision et soudain, mon environnement s'est teinté de couleurs vives et chaudes. Lorsque je le voyais, tout était plus beau, plus clair, plus lumineux. Sans le savoir, il est parvenu à peindre mille couleurs sur la toile vide et blanche que j'étais.

Le lavande n'est pas ma teinte favorite pour rien. Ses cheveux et ses yeux ont toujours été ce qui ressortait le mieux dans toute cette noirceur.

Et certainement aussi car, aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été amoureuse de Takashi Mitsuya.

Mille couleurs (Mitsuya x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant