- Takashi ?
Mitsuya sursaute et se retourne. Son visage s'adoucit quand il comprend que c'est moi.
- T'arrives pas à dormir ? demande-t-il avec un sourire.
Je hoche la tête en signe de dénégation. Silencieusement, je viens prendre place à côté de lui, replie mes jambes contre ma poitrine, et pose mon menton sur mes genoux.
Nous n'engageons pas de discussion pendant un long moment. La nuit, claire et fraîche, calme mon corps qui me brûlait lorsque j'étais à l'intérieur.
- Ma mère nous a vus la semaine dernière, dis-je alors.
Il se tourne vers moi, étonné.
- Quand je t'ai raccompagnée ?
- Oui, ça...
- Tu vas avoir des ennuis ? s'inquiète-t-il.
- Non, c'est juste que maintenant, elle veut rencontrer ta famille.
Mitsuya a un rire, visiblement soulagé.
- Si c'est que ça, dit-il, j'en parlerai à ma mère.
- T'es d'accord ? je m'étonne. Ça te gêne pas ?
- Je vois pas pourquoi ça me gênerait.
Il a l'air sincère et je n'ajoute rien. Le sujet que je redoute d'évoquer flotte dans l'air, attendant que l'un de nous ne se décide à prendre la parole. Mitsuya semble le sentir également puisqu'il ne dit plus rien.
Mais combien de temps pouvons nous garder le silence ?
- Takashi...
- Kelly...
Nous avons parlé en même temps. Il souffle du nez et se tourne de nouveau vers moi.
- Toi d'abord, nous disons d'une même voix.
J'ai un petit rire. Visiblement, nous nous sommes accordés à briser la glace sans la moindre concertation.
- Par rapport à la semaine dernière, reprend Mitsuya, je voulais te dire... Je ne regrette pas du tout ce qu'il s'est passé.
- Oui..., je souffle. Moi non plus, je ne regrette pas.
Il rougit légèrement, et je ne tarde pas à l'imiter puisqu'il s'est rapproché de moi sans que je m'en rende compte.
L'hypnose est plus forte encore que la fois précédente. Il tend une main timide vers ma joue, écarte doucement quelques mèches et réduit de nouveau l'écart entre nous. Il est si proche que cela me donne l'occasion de voir chaque détail de son visage, chaque imperfection qui, paradoxalement, font toute sa perfection.
Je peux sentir chacun de ses souffles, à présent. Comme lorsque j'étais allongée sur le canapé, j'ai l'impression que tout mon corps me brûle, comme s'il me hurlait d'écouter mes désirs les plus interdits, tous ceux que je refuse de laisser remonter à la surface.
Nos lèvres se frôlent sans cesse mais ne se scellent pas. C'est un véritable supplice auquel je ne peux pas résister plus longtemps.
Nos regards se croisent alors une dernière fois, et il m'embrasse.
Je me sens toujours ailleurs lorsqu'il s'éloigne, sans rompre le contact cependant. J'ai l'impression que son odeur est partout autour de moi, ce qui m'empêche d'avoir la moindre pensée claire. J'aimerais que ce moment ne prenne jamais fin. Que Mitsuya reste toujours près de moi.
- Kelly, tu es..., murmure-t-il, les joues roses.
Il marque une pause, hésitant.
- ... si belle.
Ces mots, prononcés de sa voix légèrement tremblante, résonnent en moi comme une douce mélodie. Je serais prête à l'écouter des milliards de fois sans jamais m'en lasser.
- Parle pour toi, je souffle.
- Tu sous-entends que je suis belle aussi ? rit-il.
- Idiot, tu sais très bien ce que je voulais dire...
Il se rapproche de nouveau et je manque soudain d'air.
Incapable d'attendre, je plaque mon sourire contre le sien et passe une main dans ses cheveux pour accentuer le baiser. Les problèmes me paraissent désormais bien futiles... Du moment que Mitsuya est contre moi, quelle importance peut bien avoir le reste du monde ?
Lorsque notre étreinte prend fin, je remarque que la nuit ne m'a jamais parue aussi lumineuse. Est-ce sa simple présence qui provoque de tels phénomènes ?
- Par contre, Kelly, reprend Mitsuya d'un ton plus sérieux, j'ai jamais été amoureux avant. Alors si je fais quoique ce soit de travers, je veux que tu me le dises.
- Tu feras jamais rien de travers, j'assure.
- Mais si jamais ça devait arriver... Dis le. Je supporterais pas de te faire du mal.
- Alors, ça marche aussi pour toi.
Pour toute réponse, Mitsuya me serre contre lui. Il pose son menton sur mon épaule et passe une main dans mes cheveux.
- Merci, chuchote-t-il.
- C'est plutôt moi qui devrais te remercier, je corrige.
Je croise mes bras dans son dos, profitant de chaque instant passé contre lui. C'est fou de voir à quel point tout me paraît plus facile lorsque je suis avec Mitsuya...
⋆˚ 。✿ 。˚⋆
Je baille longuement en entrant chez moi. Bien que je me sente toute légère, la nuit a été plutôt courte. Enfin, ce n'est rien à côté d'Ayame qui s'est réveillée avec de larges cernes sous les yeux, et énorme mal de crâne. Les quelques gorgées de saké ne lui ont pas forcément réussi, et Emma n'a cessé de lui répéter « Je t'avais prévenue » chaque fois qu'elle se plaignait.
Sans surprise, je retrouve ma mère occupée à nettoyer les vitres. Au vu de l'énergie qu'elle y met, elle doit être de très mauvaise humeur. Ce que j'ai du mal à comprendre puisqu'elle est en semaine de congé...
- Ah, t'es là, grogne-t-elle. Tu as vu ton ami ?
Elle a prononcé ce dernier mot avec une amertume toute particulière.
- Oui, dis-je. Sa famille peut venir demain soir.
- Demain soir ? répète-t-elle en abandonnant la fenêtre.
- Sa mère travaille beaucoup, et elle n'a pas d'autre soirée disponible avant un moment.
- Très bien, soupire-t-elle.
Elle semble exaspérée et je me force à garder une expression neutre. C'est uniquement à cause de sa demande qu'elle se retrouve à devoir préparer un dîner pour demain soir, elle ne peut donc pas me maudire...
- Attends... Avec sa famille, tu m'as dit ?
- C'est bien ce que j'ai dit, j'affirme en ayant de plus en plus de mal à ne pas sourire de satisfaction. Takashi a deux petites sœurs.
- Ils viennent... tous ?
- Tous.
- Ma foi...
Ma mère s'étrangle dans ses propres mots. L'idée de devoir cuisiner pour autant de personnes semble la paniquer encore plus que ce que j'imaginais.
- On en parlera à ton père ce soir, reprend-elle en essayant de conserver un air digne. En attendant, va dans ta chambre.
Je me dépêche d'obéir et quitte le salon.
Mais je mentirais si je disais que je ne suis pas tout autant stressée, bien que ça ne soit pas pour les mêmes raisons qu'elle. Qui sait comment mes parents peuvent se comporter si les Mitsuya ne leur conviennent pas ?

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Mille couleurs (Mitsuya x OC)
FanfictionFroide et terne. Voilà ce qu'était ma vie en dehors de mes deux meilleures amies, Ayame Mori et Emma Sano, ainsi que des heures passées en compagnie de Takashi Mitsuya au club de couture. Tout me semblait tristement livide. Mais évidemment, ce garç...