Je ne sais pas si cela vous est déjà arrivé : ce sentiment d'être détruite. Que tout s'est effondré. Que rien, désormais, ne sera plus comme avant. Comme si un énorme crachat avait tout recouvert. Une salive grisâtre à l'odeur écœurante a été projetée sur vos livres, sur vos habits préférés, sur le moindre objet du quotidien. Mais aussi sur les êtres qui vous entourent et dont vous vous méfiez maintenant. Sur vous-même, aussi.
Surtout sur vous-même.
Vous vous demandez comment vous allez faire pour continuer dans ces conditions car cela vous paraît inenvisageable. Il n'y aura plus de lumière. Un voile poussiéreux a été jeté sur le soleil et plus jamais il ne brillera de son éclat naturel.
Cela m'est arrivé et j'ai cru que j'en mourrais.
Quand je me suis retrouvée seule dans le grenier, je me suis mise à pleurer. Je ne pleure jamais. Mais cette fois, il semblait que les larmes étaient appelées à couler encore et encore. Jusqu'à ce que je me dessèche.
Je venais d'être victime d'une agression.
Les pleurs n'ont pas duré : le chagrin a fait place à la colère. Je suis une dure à cuire, une girafe au grand cœur, une araignée et une guenon. Un véritable bestiaire qui m'accompagne jour après jour.
Il fallait que j'écrive. Il fallait que je dénonce.
Pas de censure. La vérité vraie, au risque de choquer.
J'aime lire, j'aime écrire et cela m'a valu d'être harcelée, moquée, violentée.
J'accuse l'Éducation nationale de s'en moquer.
J'accuse les ministres successifs d'avoir délibérément laissé pourrir sur pieds des centaines d'établissements scolaires dans des régions frappées en pleine gueule par le chômage.
J'accuse le président d'avoir poursuivi une politique de suppression des personnels. Surveillants, médecins scolaires, infirmières, profs, psychologues, leur nombre n'a cessé de baisser. Pendant ce temps, le harcèlement, l'insécurité, le zbeul, les agressions sexuelles n'ont cessé d'augmenter.
Oui, c'est à vous que je m'adresse. Vous qui apparaissez tous les jours à la télé pour nous faire la morale. Vous qui publiez des livres sous votre nom alors que vous les faites écrire par un autre. Dans le dernier en date, il est question d'une ado qui se fait ramoner de façon bestiale et qui aime ça.
Vous n'aimez pas la France. Vous n'aimez pas la démocratie. Vous n'aimez pas la République. Vous n'aimez pas les jeunes. À aucun moment vous ne pensez à eux. Sauf quand vous racontez vos histoires dégueulasses de bête à deux dos.
Vous voulez pas qu'on apprenne. Vous voulez pas qu'on se cultive. Vous voulez un peuple sans cervelle, docile et pornographié. Tout ce qui vous intéresse, c'est d'être élus et de vous remplir les poches.
Je vous accuse de tenir des discours hypocrites.
Vous parlez de lutte contre le harcèlement avec des trémolos dans la voix mais cela vous est complètement égal. Vous n'en avez rien à battre de la dignité des femmes. Vous vous en cognez qu'aucun prof ne puisse faire cours dans certaines zones.
Une fille se fait insulter parce qu'elle est en train de lire un bouquin ? Vous détournez la tête. Les collégiens regardent du porno sur leur portable pendant que leurs profs s'égosillent à faire cours ? Vous fermez les yeux. Un seul mec contraint toutes les meufs de sa classe à coucher avec lui ? Vous faites comme si de rien n'était. Du moment que ses parents sont proches du maire, il a le droit.
Avouez-le, vous vous en battez les cacahuètes de tout, si tant est que vous en ayez.
Les villes dont les usines ont fermé, les établissements aux plafonds bourrés d'amiante, vous ne savez pas ce que c'est. Comment le pourriez-vous ? Vous avez le derrière bien au chaud dans votre ministère et vous mettez vos enfants dans des écoles prestigieuses.
C'est ça, c'est toute cette boue que je veux dénoncer. Parce qu'il est temps que les meufs ouvrent leur gueule.
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J'ai essayé d'être claire dans ma présentation... Pardon pour les gros mots, je n'ai pas pu tous les enlever, j'ai écrit ce chapitre sous le coup de la colère. Il y aura aussi des moments de douceur et de poésie dans mon roman. Enfin, je l'espère...
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Le Quoicoubeh monumental
Teen FictionRentrée scolaire de 1re. Un lycée tout pourri. Tout le monde fume des pétards. Quand t'as pas de petit ami, t'es traitée de sac à patates. Les profs pleurent en cours. À part M. Tistic, ils se font tout le temps couper la parole par des QUOICOUBEEEE...