Chapitre 11 : Le B.G. se déculotte

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Le B.G. m'a lancé un regard doucereux qui m'a fait fondre.

— Pas étonnant que tu comprennes pas de quoi je cause, il m'a dit. Samedi dernier, le bouquiniste. Je t'ai vue plongée dans un recueil de poésie de Clémentine C. Sans doute beaucoup trop pour capter ma présence.

Je pouvais difficilement le contredire. Quand je suis dans un livre, rien ne peut me faire lever la tête, fût-ce l'explosion du plafond et l'irruption d'un missile à tête nucléaire.

— T'as attiré mon attention...

Serait-ce possible qu'il m'eût trouvée belle ?

— Je traînais en centre-ville, il a poursuivi en accélérant son débit. Je venais de croiser des dizaines d'ados complètement défoncés qui jetaient des canettes de bière sur les passants et beuglaient des grossièretés. Ça m'a ému de voir une meuf passionnée par les poésies de Clémentine C. Son style me donne la sensation d'être en apesanteur. Il adoucit les contours, scintille comme de minuscules bulles de lumière qui éclatent et renaissent sans cesse.

Ah d'accord, c'était pas mon physique, c'était juste parce que je sais lire.

À Cyril Hanouna, les livres étaient proscrits sauf s'il y avait la gueule de Mbappé ou des filles à poil à l'intérieur, et encore fallait-il qu'elles eussent les jambes écartées au maximum. De la viande fraîche sur l'étal d'un boucher.

— C'étaient pas ses poésies, c'était un roman, Au-delà du miroir brisé.

— Ah.

— Chuis en train de le finir, c'est trop bien. Je pourrai te le prêter, si tu veux.

— Volontiers.

C'était bien la première fois qu'un mec me témoignait un intérêt aussi explicite. Mais je me faisais pas d'illusion : s'il se souvenait de moi, c'était d'abord en raison de ma très haute taille. Je passe pas inaperçue.

— T'écris de la poésie ? il m'a demandé.

— Non.

C'était vrai. J'avais essayé deux ou trois fois et j'avais renoncé. Mon style a quelque chose de bourrin. Je me fais l'effet d'une girafe dans un magasin de figures de style. Ou de quelqu'un qui vous ferait visiter une galerie d'art et se servirait de coups de feu pour vous désigner les œuvres à regarder. Je bousille tout sur mon passage. Il me manque ce qu'on appelle la légèreté. Et la légèreté, c'est précisément ce qui caractérise la plume de Clémentine C.

— Moi non plus, il a dit en m'adressant un regard ému. Mais j'aimerais beaucoup en rédiger.

Un mec intéressé par la littérature. Bien plus : par la poésie. C'était rare. Dès qu'il avait commencé à parler de cette autrice, je l'avais senti transformé.

Il m'a regardée intensément. Mes très longs bras, mes mains arachnéennes, mes énormes cernes avaient sans doute retenu son attention... mais n'avaient aucune chance de lui de lui plaire.

À la limite, y avait bien mon cul mais je concevais l'espoir insensé que ce type ne fût pas un Quentin bis.

Lequel Quentin s'était approché de nous silencieusement, entouré de Céladon et de Yanis.

— Alors le nouveau ? il a dit au B.G. Je vois que t'as envie d'enc...ler la girafe ?

— Dégage, connard, j'ai dit.

— On mange ensemble, a répondu le nouveau en aspirant paisiblement quelques pâtes à la carbonara (le cuisinier avait fait un effort pour le premier jour).

Il ne semblait nullement impressionné.

— Toi, la boîte à pets, t'attends qu'on te donne la parole, m'a dit Quentin. Je ne t'autorise à rouvrir ton trou de balle que le jour où j'y introduirai mon pieu.

Puis il s'est adressé à mon commensal :

— Écoute, le zoophile, faut que tu comprennes deux trucs, il a poursuivi en secouant la tête d'un air désespéré. Un : ce cul est À MOI, et personne d'autre. Deux : ici, c'est MOI qui décide de tout. Si tu veux survivre, tu commences par te mettre à mon service.

— Je t'offre mes services.

— Dans ce cas, gifle cette salope à échasses.

— Cheh, a dit Céladon.

Yanis a ricané, je me suis liquéfiée. Je pensais avoir eu mon compte.

Le B.G. a levé le nez et a enfin regardé Quentin, un grand sourire sur le visage :

— J'ai mieux à t'offrir, il a dit. Tu patientes un peu. On se donne rendez-vous en pleine récré. Tu convoques tout le monde. Je me mets à genoux et je te lèche les grolles.

— Merde, a dit Quentin. T'es un sacré baratineur.

Yanis a écarquillé les yeux d'incrédulité.

Quentin a hésité puis a lâché un long jet de salive dans les pâtes du B.G.

— En temps normal, il a dit, je t'aurais renversé ton assiette sur la tête.

— Pourquoi ? a demandé le B.G. qui, nullement dégoûté, a continué à manger ses pâtes.

— J'ordonne, t'exécutes. Pas de contre-propositions.

— Tu veux pas que je me mette à genoux ? Je suis même prêt à te sucer. Ou à te lécher les couilles. Ou à te tendre le derrière. Tu me laisses juste quelques minutes pour me tartiner de vaseline.

Céladon s'est esclaffé.

— Putain ! s'est exclamé Quentin devenu rouge pivoine, on ne savait si c'était le plaisir d'avoir dompté aussi aisément le nouveau ou la perspective de se faire aspirer le dard gratos. T'es qu'un gros pervers. Et c'est pour ça qu'on vous laisse tous les deux. Sans compter qu'on doit grailler.

Ils se sont éloignés mais Quentin n'a pas tardé à se retourner et a lancé à haute voix :

— Rappelle-toi, la tarlouze : tu touches pas à ce cul, c'est ma propriété. C'est à moi qu'il revient de le ken en prims. Comme, du reste, la plupart des autres zouz du bahut.

— O.K., Maître, a dit le B.G.

— Salut, j'ai dit au B.G. en me levant. J'ai perdu l'appétit.

Il m'a lancé un regard noir :

— Rassieds-toi et termine ton assiette, il m'a dit d'un ton sans appel.

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Je suis désolée pour la vulgarité des dialogues, j'ai honte, j'ai l'impression d'écrire à coups de machette alors que certains d'entre vous, vous écrivez avec un pinceau, j'ai essayé d'atténuer la violence des propos mais on n'est pas à Versailles...

N'hésitez pas à me dire ce qui ne va pas, je suis bonne poire et j'essaierai de tenir compte de vos conseils !


Le Quoicoubeh monumentalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant