Ça s'appelle le Jeu du Thug Ultime ou le Jeu de la défloration qualifiante. Si, si, vous avez bien lu.
Perso, j'aurais dit défloration dévalorisante. Parce que y a rien de glorieux à se faire dévierger par Quentin.
L'idée, c'est que le dépucelage confère des superpouvoirs ! On croit rêver...
Avant de poursuivre ce récit, il est temps, en effet, de vous donner quelques explications. Quentin est le mec le plus important du bahut. Son énorme raie au milieu du crâne et sa mèche huilée de petit branleur autosatisfait exercent une domination absolue sur le collège tout entier. Y compris sur les profs.
Il a été proclamé TUMS (Thug Ultime et Mâle Suprême) l'année dernière lors d'une cérémonie très officielle à laquelle Sandra s'est rendue.
Y a quatre TUMS en tout : un par classe de 1re. Au bout d'un an, il appartient à chaque TUMS de désigner un successeur.
Le précédent TUMS de la classe Francky Vincent était un gros con violent répondant au nom de Branlon. Les Lolitas gothiques avaient tenté de l'amadouer ; en mesure de représailles, il leur avait réservé un traitement spécial dont Arantelle avait été la première victime avant que le groupe tout entier ne se soulève et n'entame une guerre sans merci.
Sa tenue négligée nodocéphale coprolithe (un éternel survêt avec une trace de caca derrière) m'avait toujours donné des haut-le-cœur. Le bruit courait qu'il avait délogé de son décolleté un sein lors d'une fête, que la fille lui avait hurlé dessus et qu'il l'avait giflée avec une telle violence qu'elle s'était cassé le coccyx en s'effondrant sur le buffet. Ce sein, cette joue et ce coccyx appartenaient à la fille d'un député. Une accusation d'agression sexuelle et de violences aggravées lui pendait au bout du nez.
Cela m'étonnait pas qu'il eût choisi Quentin comme nouveau mâle dominant. Ce dernier réunissait toutes les qualités de gros connard pour devenir à son tour un TUMS de haut vol.
Mais revenons à l'allée de peupliers qui mène chez moi. Elle me fait toujours beaucoup de bien. C'est un sas de décompression après le collège. Quand j'arrive chez moi, je manque jamais de vérifier si le clochard assis en face de notre bicoque se trouve toujours là. Ça me rassure de le voir sur son banc. Tant qu'il bouge pas, il peut rien m'arriver : c'est ce dont je me suis peu à peu convaincue.
J'avais hâte de retrouver mes chers livres et je n'avais aucune envie que Quentin vînt me faire la conversation. J'en pouvais plus de sa vulgarité crasse, de son arrogance, de la bestialité qui transpirait par tous les pores de sa peau.
Une douce pénombre régnait sous les arbres et je me sentais vraiment à l'aise.
Récemment, on m'a diagnostiqué une importante photophobie : ça veut dire que je supporte pas la lumière. Il paraît que les yeux bleus sont davantage sujets à ce genre de problème.
Du coup, je porte d'énormes verres solaires.
En plus, je souffre d'une grosse myopie.
Je vais pas vous assommer avec mon bilan ophtalmo mais c'est pas tout. Y a quelques mois, j'ai développé des corps flottants. Je pense pas que vous en ayez : à notre âge, c'est plutôt rare. Ce sont des espèces de petites mouches. Elles se promènent dans ton champ de vision et c'est très perturbant au début (après, tu t'habitues). L'autre utilité des solaires, c'est qu'elles permettent d'atténuer cet essaim de moucherons.
Quentin a fini par me rejoindre. De nouveau, une méchante moutarde m'est montée au nez. J'aurais aimé rentrer à la maison sans que ce cancrelat me colle au cul.
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Le Quoicoubeh monumental
Teen FictionRentrée scolaire de 1re. Un lycée tout pourri. Tout le monde fume des pétards. Quand t'as pas de petit ami, t'es traitée de sac à patates. Les profs pleurent en cours. À part M. Tistic, ils se font tout le temps couper la parole par des QUOICOUBEEEE...