— O.K., connard, je ferme ma gueule, je lui ai dit.
Sans un mot, j'ai avalé mon assiette. Puis je me suis levée d'un coup (cela fait toujours son petit effet quand on a presque un mètre quatre-vingt-dix), j'ai saisi mon plateau, je suis allée le déposer à grandes enjambées et me suis rendue à la viescolaire.
M. Bagdali, le C.P.E., ne s'occupe que des élèves du tierquar. C'est Nabil qui m'a reçue. Alissar se trouvait à proximité. Elle m'avait à la bonne : je savais qu'elle me soutiendrait en cas de problème.
— Régime alimentaire particulier ? m'a demandé Nabil sans me regarder.
— J'ai déjà répondu à cette question l'année dernière.
— Tes commentaires à la con, tu peux te les garder. Contente-toi de répondre.
— Je mange de tout.
— Vide ton sac.
J'ai tout étalé sur le comptoir d'accueil. C'était pour s'assurer que je ne portais pas d'arme sur moi. Vérification de pure forme : ici, les armes circulent en toute liberté. Il est rare, toutefois, qu'Adrian ou l'un de ses sbires en fasse usage.
Personne, du reste, ne s'était jamais ramené avec un couteau ou une arme à feu à une convocation de ce genre. On n'était pas cons à ce point.
Nabil a daigné lever les yeux de son ordi et m'a désigné le protège-dents en gel thermoformable qui me quittait jamais. Je le mettais dès que ça sentait le roussi.
— C'est quoi ?
— Pour les dents.
— Confisqué.
— Pourquoi ?
— Accessoire de boxe.
J'ai pesté. Sur celui-là, le moulage était parfait.
— T'appartiens à un groupe ? il a poursuivi.
— Jamais de la vie.
Il a enfin levé les yeux sur moi.
— T'es folle ? Si t'es pas dans un groupe, tu survivras pas deux semaines.
— Surtout si vous me laissez même pas un protège-dents.
— T'as tort de pas m'écouter.
— O.K., je vais voir ce que je peux faire. Une proposition ?
— Les Lolitas gothiques, il m'a dit en continuant de taper sur son clavier.
— T'as raison. Elles au moins, elles ont le droit de se défendre.
Nabil était loin d'être stupide. Intégrer ce groupe, c'était jouir d'une relative protection. Au nombre de trois ou quatre par niveau, elles circulaient par petits escadrons et avaient de longs ciseaux pendus à leur cou en guise de collier. Suffisant pour éloigner les dragueurs ou même les racketteurs. Aucun mec n'osait siffler une Gothique par peur de les avoir toutes sur le dos.
Opaline était une meuf respectée ; elle avait été élue cheffe des Lolitas de Cyril Hanouna. Parfois appelée les Opaline girls (par imitation de Sana la Lily girl), Arantelle la badass et Mélia l'ébouriffée étaient ses lieutenantes.
Arantelle m'avait déjà fait plusieurs appels du pied en m'expliquant que j'avais le physique. L'appartenance à ce groupe, je le répète, ne vous soustrayait pas à l'obligation de vous faire défoncer le cul par Quentin. Je ne voyais donc aucune raison valable de l'intégrer. Il était assez probable que Mélia, peu soucieuse a priori de son apparence vestimentaire, l'avait fait par amour pour Arantelle. Quant à Maurine, elle ne se cachait pas que c'était uniquement pour échapper à Quentin.
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Le Quoicoubeh monumental
Teen FictionRentrée scolaire de 1re. Un lycée tout pourri. Tout le monde fume des pétards. Quand t'as pas de petit ami, t'es traitée de sac à patates. Les profs pleurent en cours. À part M. Tistic, ils se font tout le temps couper la parole par des QUOICOUBEEEE...