Chapitre 9

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Zilpa

Couverte de la tête au pied, j'ai marché sans m'arrêter toute une lune. Je saigne du nez. La chaleur qui règne est suffocante. Mon corps manque cruellement d'eau.

Je marque une pause à l'ombre d'un dattier du désert. La brise y est plus rafraîchissante. Si poursuivants il y a, je pense avoir une longueur d'avance et m'autorise un moment d'accalmie. Le sommeil pèse sur chacune de mes paupières. Mes yeux se ferment tout doucement.

Le vent se coupe et je lève mes bras en croix pour anticiper le fouet, la coupure sur mes avant-bras et la douleur à la fois sèche et piquante. Ce faisant, ma nuque se plaque violemment contre l'écorce et les branches se secouent au-dessus de ma tête, un peu fâchées.

Je me rappelle que je suis seule désormais et abaisse les mains en tremblant, une bosse certaine sur le crâne.

Je ne me sens pas libre. Pas tout à fait. Comme si des chaînes invisibles me reliaient à Septorä. Mon dos porte les marques de souffrance que j'ai dû endurer depuis la naissance.

Je regarde le désert avec des yeux aimants. Monde libre, là où le sable efface les frontières aussitôt tracées. C'est une terre qu'on ne peut moduler à notre guise. Les grains s'envolent et dévalent les dunes tels des tourbillons dorés. J'y vois une danse lascive d'éléments voyageurs.

Le soleil, disque incandescent sur fond bleu, monte dans le ciel et avec lui, l'aridité faisant bouillir mon corps. J'ai l'habitude de ces conditions rudes et suit l'ombre qui bouge d'heure en heure pour me préserver au mieux. Alors que je me cale entre deux rochers, je vois un affaissement dans le sable à mes pieds.

Je m'immobilise, en équilibre. Plisse les yeux pour scruter le moindre détail. Là. Deux petites cornes symétriques dépassent. Son corps en vague est enfoui dans le sable dans une technique de camouflage imparable.

Un serpent !

L'attaque.

Je n'ai pas eu le temps de ciller.

Sa tête en triangle est enroulée autour de mon poignet alors que j'ai protégé mon visage. Je sens ses crocs s'enfoncer et pousse un cri incontrôlable chargé de frayeur et de colère. Le genre de son qui sort du plus profond de mon ventre.

Je le secoue pour m'en débarrasser. Il n'en démord pas, obtu.

Prise d'une furie, je le mords à mon tour à la base du cou. Je le mords si fort jusqu'à goûter ses écailles. Je le mords en grognant de rage. Comme choqué, le serpent ouvre la bouche et décroche sa mâchoire. Profitant de cette seconde de surprise, je le jette le plus loin possible d'un revers de bras.

Il atterrit lourdement et part se faufiler sous le sable en vitesse comme s'il avait un démon à ses trousses.

Agitée et haletante, j'inspecte mon poignet et les deux trous qui perlent aussitôt de sang. Un gémissement de désespoir sort de ma gorge jusqu'à me mettre des larmes de frustration aux yeux. Je m'en veux pour ne pas avoir pu éviter ça.

Quelques sanglots montent dans ma poitrine parce que je sais ce qu'il va m'arriver dans les instants suivants.

J'ai déjà vu un Midrien se faire mordre par un serpent. Il a succombé à sa blessure en peu de temps qu'il ne faut le dire. L'animal vil était caché parmi les fruits. Il s'était réfugié là jusqu'à ce qu'une main vienne déranger sa tranquillité. Nous étions au marché avec Martha. Elle me serrait fort les doigts tandis qu'on voyait le pauvre homme crier de douleur par terre.

Il avait porté ses mains à son torse. Tout son corps semblait contracté comme s'il se transformait en pierre. J'ai compris plus tard que le venin paralysait sa victime. Il avait atteint son cœur avant qu'on ne puisse lui apporter de l'aide.

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