Hakan
Noåm. Fils d'Ishet et d'Eri.
Je ferme les yeux en sentant des larmes gonfler sous mes paupières. Un chagrin sans nom m'envahit alors que la vérité creuse son chemin.
— Je suis bel et bien midrien.
— Non, tu ne l'es pas.
La voix est implacable et je regarde ma vraie mère avec un air hébété. Elle me considère en souriant.
— Un midrien est par définition un être né de la terre, tandis qu'un septrien est un être né du ciel. Tu as été béni par le sort : élevé du sol pour rejoindre ceux qui règnent parmi les nuages. Tu ignores tout de nos us et coutumes. Tu ne sais pas ce que c'est d'être un engrais pour fertiliser un jardin dont tu ne goûteras jamais les fruits. Nous sommes les graines d'Elyon. Des petites pousses vertes, parfois des racines robustes pour certains, des fleurs pour certaines et nous poussons tous entre les dalles, car c'est dans notre nature.
Elle a la même expression que Jessé. Un mélange de douceur et de lumière qui nous emprisonne dans un cocon. Je comprends que c'est de la bienveillance pure et j'en suis touchée au-delà des mots.
Je réalise que je ne sais absolument rien. Tous mes préceptes me semblent dénués de sens et de fondement. Je me souviens de nos moqueries avec les autres enfants septriens envers ces gens. On les surnommait les "mottes de terre" car de loin, leurs maisons formaient des petites masses compactes entre elles.
Un jour, lors d'une escapade secrète avec Misaël, nous avons vu une petite bande d'adolescents septriens lancer des pierres sur un midrien sur une place publique. Ils le bombardaient tout en riant et s'esclaffaient plus fort quand ils arrivaient à viser sa tête.
Biens trop jeunes, nous avons déguerpi assez rapidement, mais je me souviendrais toujours de la douleur que j'ai ressentie dans le ventre à cet instant. Comme une griffe chauffée à blanc qui triturait mes entrailles.
Je me lève et soulève son panier de pommes.
— Laisse-moi t'aider.
— Non, tu n'es pas en sécurité ici. Rentre, tu ne me dois rien.
Mes bras se resserrent autour de la corbeille jusqu'à sentir ses tresses rentrer dans ma chair.
— Je te dois bien la vie.
Eri a une brusque inspiration. Ses yeux émeraude papillonnent de surprise face à ma détermination. Ils s'attardent sur mon visage comme pour mémoriser chaque trait. L'évidence est dans nos ressemblances.
— D'accord, finit-elle par murmurer. Hâtons-nous.
Je marche à ses côtés jusqu'à une petite maison rondelette. La porte n'est qu'un pan de tissu rouge.
— Tu n'as pas peur des voleurs ?
Pour la première fois, j'entends son rire. Un carillon qui fait plisser ses yeux en demi-lunes. À sa manière de poser sa main sur son épaule comme pour se calmer, je souris, car je fais la même chose.
— Il n'y a que les septriens pour créer la méfiance chez les autres. Ici, rien n'est volé, nos biens appartiennent à tous. Nous avons appris à partager pour prospérer. Ce qui est pris sera rendu en équivalent.
Honteux, je me gratte la tête.
— Ce n'est pas comme ça au palais. Tout est protégé, scellé et caché.
En m'invitant à m'asseoir, elle secoue la tête pour exprimer l'absurdité de la chose.
— Et même enterré !renchérit-elle. Comme si le matériel était mort avec son propriétaire. Tout objet est une âme destinée à servir le plus de vies possibles.

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À Ta Place
FantasyCapturée pour servir de jouet aux princes de Septorä, Zilpa, esclave à la seconde chance, se retrouve face à Hakan, un jeune noble insouciant qui défie les traditions sans en mesurer les conséquences. Mais lorsque leurs chemins s'entrelacent, Hakan...