Chapitre 7

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Zilpa

Je déroule la corde autour de ma taille dès que mes talons touchent le sol réchauffé du Palais.

De colonne en colonne, j'avance sur la pointe, sur le qui-vive, me cachant dans les ombrages, évitant le plus possible les gardes Septriens.

Je parviens au mur du fond et cours, courbée, vers une petite ouverture qui laisse filtrer une lumière bleue nuit. Un carré de sortie dans cette immense structure baignée dans un faux crépuscule par les flammes des flambeaux.

Je me hisse pour atterrir de l'autre côté à la vitesse de l'éclair et me fige devant une vue spectaculaire à couper le souffle.

La lune est devant moi, ronde et pleine, à la même hauteur. Une vision digne des dieux. À cette place, je comprends la supériorité qu'on peut ressentir. Je me sens à la fois minuscule et à la fois majestueuse. Privilégiée.

Du haut des marches, je regarde en contrebas. Des tonnes de petites pierres, mises une à une, par des milliers de Midriens. Le temps, le labeur, la sueur, la souffrance qu'il a fallu avoir pour bâtir ce temple me donne un vertige violent.

C'est nous qui avons construit tout ça.

C'est nous qui avons élevé ces individus au rang de dieux.

Le son de pas approchants brise ma quiétude de courte durée et je m'accroupis pour entamer une descente dangereuse. La pente n'est pas trop raide, mais très haute. Un seul faux pas et je chute dans le vide. L'escalier principal est le plus fréquenté et je dois constamment m'arrêter pour ne pas me faire repérer.

À la moitié, essoufflée et épuisée, je me demande pourquoi je n'entends pas d'alerte me concernant. Le prince a dû voir que je m'étais échappée. Il n'y a aucune agitation qui me permette de savoir si on s'est lancé à ma poursuite.

Tout est bien trop calme.

Mes yeux s'arrêtent sur la statue colossale de l'Asna. Son grand visage de pierre est tourné vers moi alors que je continue de descendre, bloc par bloc. Ses traits sont trop lisses. Sans expression comme s'il n'était pas humain. Je frissonne sous son regard inflexible et dominant. Notre souverain tortionnaire à tous en Majesté.

Je peux tendre un bras et le toucher. Un sacrilège digne d'une peine de mort.

Je fais mieux.

Je lui envoie un crachat à la figure.

Un puissant sentiment de triomphe m'étreint alors que je réussis cette échappée.

Je cours dans la nuit à folles enjambées malgré la fatigue et la douleur. Je crève de faim, mais la liberté n'a jamais eu aussi bon goût.

Essoufflée par cette course folle, je m'arrête à l'interstice d'une maison faites en terre rouge. Je pose une main reconnaissante sur son mur, une grande fissure sous la forme d'un éclair zèbre sa devanture.

Je ne pensais jamais rentrer.

Je m'affale sur le pas de la porte et me laisse tomber à bout de forces. Par miracle, on m'ouvre.

Aquila descend sur moi des yeux écarquillés par la stupeur.

— Martha !crie-t-il alors qu'il me soulève pour m'emmener précipitamment à l'intérieur.

Le parfum de mon chez moi m'enivre et j'aurais pu m'endormir ainsi, bercée par la chaleur du foyer. Des mains soulèvent mon visage avec délicatesse.

— Oh mon enfant, se lamente Martha agenouillée près de moi. Que t'ont-ils fait ?

À Ta PlaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant