À Ta Place

Chapitre 4

Hakan

— Et prince Misaël !annonce le page en remarquant mon frère aîné derrière moi.

J'adresse un sourire narquois à mon frère alors que j'ai été annoncé en premier. Il grommelle dans sa barbe, mais n'a pas le temps de formuler quoi que ce soit qu'il est enlacé par notre mère.

— Il était temps les garçons !s'exclame-t-elle. Votre père s'impatientait...

Elle fait de même avec moi avant de me chuchoter à l'oreille :

— Cesse de voler la vedette à Misaël.

Ça m'arrache un petit rire.

— Je n'y peux rien si on le confond avec mon ombre, je réponds.

Elle me pince fort la peau et je grimace de douleur. J'aurais dû m'abstenir sur celle-là, je sais.

— Va saluer ton père, m'enjoint-elle en m'indiquant la direction à suivre d'un mouvement gracieux du menton.

L'Asna est de dos, en entretien privé avec l'Archippe Koush. Celui-là, je le déteste autant que Hamul. Tous les deux des confidents de père, jouant le rôle de ses yeux et de ses oreilles du royaume.

Je préférerai être aveugle et sourd que d'avoir ces deux-là à mes côtés.

De mauvaise grâce, je vais vers eux.

— Ça parle encore de moi?je m'exclame avec un faux enthousiasme.

Yared tourne la tête lentement, un sourcil arqué, autoritaire avant de pivoter tout son corps pour me faire face.

— On imite les Midriens ?remarque Koush avec son sarcasme habituel.

Suivant son regard, je baisse les yeux pour regarder mes pieds nus. Je revois le vieillard à genoux dans la boue, les mains ouvertes sans rien offrir, mais demandant tout. Cette vision me fait encore frissonner.

— Eh bien Hakan, demande Yared en m'évaluant de haut en bas. Où sont tes sandales ?

— Perdues en chemin.

Un plissement d'yeux plus tard et il émet un son du plus profond de son âme. Qui veut dire : on n'y peut rien.

— Tu as montré les travaux à ton frère, me réprimande-t-il en posant son sceptre sur mon épaule.

— Il est incapable de garder la langue dans sa poche, appuie Koush un brin exaspéré. Cela devait être une surprise.

Mes yeux passent sur l'Archippe. Si Hamul est grand et svelte, Koush est son opposé : petit et enrobé. En plus d'avoir une tête de crapaud. Je ne le regarde pas plus que nécessaire, pour m'éviter d'avoir mal au cou.

—  Aurais-je divulgué un secret qui t'appartenait de dire ? Je suis certain que Misaël aurait été ravi que tu lui fasses la surprise toi-même. Tu es si rayonnant de vie.

Koush se renfrogne une réplique sur le bout de sa langue comme une mouche qu'il a du mal à digérer.

— Où est ton acolyte en fait ?je l'interroge en regardant partout. Tu sais, celui dont tu voles le déjeuner tous les jours...

— Petit..., commence Koush rouge de colère.

— Il suffit, dit l'Asna en tapant son sceptre contre le sol.

Père n'aime pas que je me moque de ses Archippes mais c'est mon passe-temps préféré de les humilier à la moindre occasion. Je sais que ça l'amuse aussi, mais il le cache en s'éclaircissant la gorge.

— Enfin, mon aîné décide d'arriver. Il était temps.

Misaël nous rejoint avec Cyrène à son bras.