Le lendemain, à midi tapante, Giorno m'attend en bas de chez moi dans une petite fiat de couleur turquoise. Presque la même que celle de ses yeux qui s'illuminent lorsqu'il me voit.
- Bien dormi, Signorina ? me demande-t-il lorsque je pénètre dans l'habitacle où règne une chaleur étouffante.
J'hoche machinalement la tête, mais mes cernes violacés doivent me contredire. Trop occupée à me repasser le fil invraisemblable de la soirée, ma nuit avait diminuée comme une peau de chagrin, et seulement après le lever du soleil, j'avais réussi à glaner quelques heures de sommeil.
Giorno fait ronronner le moteur et passe un bras derrière mon siège pour faire marche arrière. Il y a quelque chose de troublant à le voir manœuvrer au volant de sa voiture...
- Tu as le permis au moins ? je demande subitement.
- Ne t'inquiète pas. Je suis un très bon conducteur, me lance-t-il dans un sourire confiant qui ne fait que confirmer mes craintes.
Devant mon silence désapprobateur, il ajoute :
- Tu sais, pour me faire un peu d'argent, j'avais l'habitude de faire le taxi à la sortie des aéroports. Je suis toujours prudent. Mais si tu n'es pas rassurée, je peux te laisser conduire.
J'hésite un instant avant de me rappeler l'anarchie qui règne sur les routes de Naples. Entre le manque de signalisation et les chauffards qui roulent à tombeaux ouverts, j'ai toujours privilégié les transports en commun. Derrière un volant, la peur et le manque d'assurance font sans doute de moi un énième danger ambulant.
- Non, je te fais confiance, je statue en croisant les bras et en m'enfonçant dans mon siège.
Malgré mon air revêche, cette simple affirmation semble le ravir. Il allume la radio, et se met à fredonner gaîment comme si rien ne pouvait entacher sa joie du moment. De mon côté, je me mure dans le silence, essayant d'ignorer son timbre chaud et velouté qui résonne à l'unisson avec la mélodie. Et lorsque que je sens ses œillades inquisitrices se diriger vers moi, je fais soudain mine de me passionner pour ce qu'il se passe de l'autre côté de la vitre.
J'ai conscience d'être une peau de vache, mais c'est la seule parade que j'ai pour dissimuler mon stress.
Je me demande encore pourquoi j'ai acceptée cette invitation à déjeuner. Et si un collègue ou une connaissance nous croise, que penseront-il de moi ? Et les gens du restaurant, vont-il remarquer que 7 ans me séparent du garçon qui cherche à me séduire ? J'ai peur du regard des autres. Et surtout, j'ai peur de me laisser aller, de prendre du plaisir à ce rendez-vous, et fatalement, de m'attacher encore plus à Giorno.
Un quart d'heure et un concert de fredonnements plus tard, la voiture s'arrête près des bords de mer, là où la vue sur le golfe est la plus dégagée. Grand soleil, ambiance brise marine et chant de mouette m'accueillent quand je met le nez dehors. C'est le tableau touristique parfait. Mais pas n'importe lequel. Comme me l'indique les grandes baies vitrées, les terrasses ombragées de palmiers et les luxueuses devantures des restaurants étoilés, nous sommes dans la rue du plus grand chic culinaire.
Pour ne pas envoyer de signaux contradictoires à Giorno, j'avais volontairement résolu de me fagotée comme une clocharde. Je le regrette aussitôt. Il est certain que mon jean troué, mes baskets d'un blanc plus que fané, et mon tee-shirt noir sans forme, risquent de dénoter avec ce cadre idyllique.
- Tu aurais pu me dire qu'on allait dans ce genre de restaurant. Ils ne nous laisseront jamais entrer. Regarde un peu ma tenue... je reproche à Giorno d'une voix basse alors que nous remontons la rue.
Son regard m'appréhende de la tête aux pieds pour se fixer sur mon visage contrarié.
- Tu es magnifique. Comme toujours, conclut-il sans une once d'hypocrisie.
- Mais...
- Ne t'inquiète pas. J'ai mes entrées un peu partout dans cette ville.
En effet, lorsque nous arrivons devant le restaurant, il suffit que le portier entende le nom « Giovanna » pour que nous soyons reçus comme des clients prestigieux. J'essaye de déceler de la crainte dans l'attitude des employés qui ne doivent pas ignorer l'appartenance de Giorno au gang le plus puissant de la ville, mais je n'y vois qu'un profond respect.
Alors que nous traversons la terrasse pour rejoindre notre table, plusieurs paires de lunettes, Gucci, Prada ou Chanel suivent notre entrée et les bouches luisantes de champagne affichent une sorte de surprise mêlée de dédain.
Je me sens si mal à l'aise que je suis à deux doigts de demander à Giorno de rebrousser chemin jusqu'au kebab du coin ! Mais trop tard. Il me tire déjà la chaise avec l'élégance du parfait gentleman, et alors que j'hésite, je sens une main, invisible et rassurante, se poser sur mon épaule pour m'inciter à m'asseoir.
Gold Experience ! Je l'avais presque oublié...
Ne souhaitant pas me faire davantage remarquer, je prend place sans faire de vague et accepte finalement la carte que me tend le serveur. Une fois dépliée, elle à l'avantage de me faire office de paravent pour cacher mon embarra.
- Tu veux du vin ? À moins que tu préfères du champagne ? me demande nonchalamment Giorno sans pouvoir dissimuler un petit sourire amusé devant mon jeu de cache-cache.
Je palis soudain en voyant les prix des bouteilles qui ne descendent pas en dessous de trois chiffres. Et moi qui comptait payer la moitié de la note... Quel enfer !
- Une carafe d'eau, ce sera parfait ! je m'empresse de commander au serveur.
Par la suite, sans doute par crainte que je n'ose pas demander les plats les plus chers et les plus raffinés, Giorno se charge de prendre commande pour nous deux. C'est ainsi que je me retrouve devant un « filet mignon en croûte de pistache sur son lit velouté de patate douce ». La disposition soignée des aliments dans l'assiette m'évoque une œuvre d'art et je culpabilise presque de troubler cette harmonie de délicieuses couleurs en y plongeant ma fourchette.
- Tu n'aimes pas ? Je peux commander autre chose si tu préfères...
- Non, c'est juste que... Tout ça, c'est beaucoup trop, Giorno.
- J'ai les moyens si c'est ce qui t'inquiète.
- Ce qui m'inquiète, dis-je un ton plus bas en me penchant vers lui par dessus la table, c'est plutôt la provenance de ton argent...
Il m'imite et nos visages sont désormais intimement proches. Si proches que je me sens comme aspirée par son regard d'ombres turquoises.
- Rien de ce que je peux me payer n'a le goût de l'argent sale, je te le promets.
Puis, après avoir piqué un petit bout de viande enrobé de sauce et de pistaches, il le présente à mes lèvres.
- Goûte, s'il te plaît. Pour me faire plaisir.
J'ignore si c'est à cause de sa voix rauque et envoûtante, ou bien de son odeur solaire qui se mêle au délicieux fumet de la viande, mais je n'arrive pas à me détourner. Et au moment où j'ouvre timidement la bouche pour recevoir la nourriture, je sais que je suis foutue. Si je n'arrive pas à résister lorsqu'il me propose du filet mignon, qu'est-ce qui m'attend lorsqu'il me demandera de le goûter, lui ? Fort à parier que ce jour-là, ce ne sera pas seulement ma bouche que je lui ouvrirais en grand, mais aussi mes bras, mes jambes, et tout ce qu'il voudra !
Dès que la fourchette s'immisce dans ma bouche, mes papilles sont frappées du plus pur ravissement. Je dois pourtant tirer la même tête coupable et catastrophée qu'une Eve prise en faute après avoir croqué dans le fruit défendu.
- Ce n'est pas bon ? s'inquiète Giorno.
- Au contraire. C'est sans doute la meilleure chose que j'ai jamais mangé... je lui avoue en mettant ma main devant mes lèvres comme si je venais de commettre un péché.
Instinctivement, j'avale prématurément ma bouchée et vais me rapatrier contre le dossier de ma chaise, brisant ainsi le charme de notre proximité.
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Enseigne moi la patience - Yandere Giorno
FanficVous êtes une jeune professeure d'Histoire. Votre vie bascule le jour où le sublime et charismatique Giorno Giovanna devient votre élève. Toute l'année, vous avez résisté à ses charmes et entendez bien continuer. Mais la fatalité du destin semble bi...