Chapitre 34 : Ragazzaccia

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Bien qu'à contrecœur, Giorno passe devant moi pour me conduire à la chambre d'Angelo. Alors que nous traversons les couloirs d'une blancheur sans fin, les odeurs de désinfectants et le sol du paquebot qui oscille presque imperceptiblement sous mes pas manquent de me faire tourner la tête. A moins que ce ne soit le flot de révélations qui me donne l'impression que mon cerveaux baigne dans une gelée de formol ? Toujours est-il que je dois appuyer ma paume contre le mur en marchant pour ne pas céder au vertige.

- Bice, tout vas bien ?

En remarquant mon léger étourdissement, Giorno se précipite pour passer un bras solide derrière ma taille. La part de moi qui est sans doute la plus éprouvée voudrait s'appuyer contre son torse et respirer son odeur, mais ma lucidité et ma rancune m'interdisent de céder.

Je n'ai pas le droit de flancher, pas devant lui. Il faut que je lui montre que je peux être plus dure et solide qu'un clou de cercueil.

- Oui, ça va. Pas la peine de me coller comme ça, je grommelle en me redressant pour échapper à son geste bienveillant.

Il ne cherche pas à insister, mais tandis que nous marchons, sans me toucher, il laisse son bras traîner derrière moi, son corps orienté vers le miens comme un aimant qui joue de sa force d'attraction autour d'une barre de fer. Et je ne sais pas ce qui me porte le plus sur les nerfs, son envahissante proximité, ou bien cette distance ridicule qui fait fourmiller mes membres tant ils ressentent le besoin de la combler...

Quand il s'arrête devant ce que je devine être la chambre d'Angelo, je prend une grande inspiration et attend que Giorno s'en aille pour frapper à la porte, mais il ne bouge pas d'un cil, planté derrière moi comme un garde suisse.

- Qu'est-ce que tu fais ? Tu comptes quand même pas entrer ?

- Si.

Mains sur les hanches, je l'avise à reconsidérer la question.

- Giorno, ce qu'Angelo et moi avons à nous dire ne te regarde pas. Sans compter qu'il serait extrêmement gênant de me retrouver avec vous deux dans la même pièce...

- Désolé, mais comme j'ai renvoyé mes hommes, tant qu'on sera sur ce bateau, je reste avec toi. Il va falloir que tu fasses avec.

- Alors, je ne sais pas, tu pourrais au moins rester derrière la porte pour nous laisser un minimum d'intimité...

- Non.

Nette et tranchante, sa réponse ne laisse désormais plus aucune place à la discussion.

Est-ce que ça va être comme ça à partir de maintenant ? Lui qui décide d'un ton péremptoire et moi qui n'ai d'autres choix que de plier ?!

Non, il en est hors de question !

D'un geste brusque, je l'attrape par le col et me hisse sur la pointe des pieds pour essayer de rivaliser avec sa hauteur. Ma voix se change en un souffle bas et outré et mes yeux s'arriment à son visage indolent :

- Tu es... Tu es... infernal ! Je ne sais pas ce qui me retient de te... de te...

Happée par les perfections de ses traits, je suis incapable de finir ma phrase. Malgré moi, mon regard se perd sur ses pommettes hautes et hâlées, puis sur sa bouche épaisses et ourlée qui laisse tomber sur mon crâne un soupir.

Comme je suis incapable de décharger sur lui ma frustration, Giorno encercle mes joues de ses paumes, et dans un mélange de fermeté et de compassion, il me dit :

- Bice, tu es libre de me repousser et de m'en vouloir. Tu serais même en droit de m'insulter ou de me frapper. Mais sache que quoique tu dises, quoique tu fasses, je continuerai à veiller sur toi.

Enseigne moi la patience - Yandere GiornoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant