Chapitre 20 : Machiavélique

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Tandis que nous atteignons le dernier étage du palais, l'impatience me dégrise quelque peu, et fait pulser mon sang dans mes veines.

Malgré un sens aigu de la faute que je m'apprête à commettre, la culpabilité ne fait pas le poids devant l'adrénaline et le goût de l'interdit. J'aimerais pouvoir dire que l'alcool a altéré mon jugement, mais au fond de moi, je sais que c'est en mon âme et conscience que j'ai accepté la proposition de la Reine de cœur.

C'est avec une excitation presque malsaine, et beaucoup de curiosité mal placée, que je pénètre finalement dans la chambre de Giorno.

À ma grande déception, il n'y pas grand-chose à explorer.

Loin de la luxuriance et du faste de la salle de réception, la pièce, bien que spacieuse et d'architecture princière, offre un ameublement pratique et fonctionnel. C'est à dire un grand lit, un bureau, une bibliothèque en ébène, et au centre, un large tapis qui s'accorde avec les murs et le drap de lin anthracites.

Je ne pensais pas que le noir et le gris seraient devenus ses couleurs. Lui, qui aimait tant s'habiller de parme et de bleu, semble être devenu bien sombre et austère...

À croire qu'il est devenu le véritable cliché d'un sombre mafioso !

En m'asseyant à la tête du lit, je remarque que son odeur, en revanche, a très peu changée. Toujours aussi solaire, ambrée et légèrement capiteuse, quoique peut-être plus virile et musquée...

Réprimant une furieuse envie d'enfouir ma tête dans son oreiller, je me dis qu'on a pas idée de sentir aussi bon !

En évidence sur la table de chevet, un unique livre attire soudain mon attention :

Le Prince de Niccolo Machiavelli. L'auteur même qui a donné naissance à l'adjectif machiavélique.

Comme c'est étonnant !

Parmi les ouvrages de philosophie politique, il n'en est sans doute pas de plus moralement « gris » et discutable. Véritable bréviaire de l'absolutisme, c'est la bible par excellence des hommes ambitieux qui sont prêt à tout, principalement pour s'élever au pouvoir et le garder.

Si on voulait d'ailleurs vulgariser la doctrine, elle tiendrait en un dicton : La fin justifie les moyens.

La couverture est cornée, comme si le livre avait été usé par d'inlassables relectures et maintes consultations. Je m'en saisie et commence à le feuilleter pour y découvrir quelques citations surlignées et annotées :

« Le Prince tâchera d'être tout à la fois renard et lion : car il a besoin d'être renard pour connaître les pièges, et lion pour épouvanter les loups. »

« Il faut que tant qu'il le peut, le Prince ne s'écarte pas de la voie du bien, mais qu'au besoin il sache entrer dans celle du mal. »

Un sourire désabusé naît au coin de mes lèvres et je me tourne vers la Reine de cœur, qui m'observe en silence.

- Je suis persuadée que si Machiavel avait rencontré votre Boss, il l'aurait adoré ! Lui qui encourageait les hommes à ressembler aux héros épiques, il aurait trouvé chez lui toutes les qualités du maître machiavélique : la valeur, le talent, la ruse et la force.

Le mystérieux homme de main vient s'asseoir à mes côtés dans un bruissement de tulle et de froufrous.

- Vous n'avez donc pas une si mauvaise opinion du Don, finalement...

Enseigne moi la patience - Yandere GiornoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant