Chapitre 33 : L'heure des révélations

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Le contraste entre ma Bice de ce matin et celle de ce début de soirée est saisissant. Lorsque je l'ai quitté, elle n'avait même plus la force de tenir sur ses jambes, toute tremblante dans sa jolie robe blanche et déchirée. Rien à voir avec la femme en noir et au port altier qui s'avance à la tête de mes hommes.

Alors qu'elle monte les marches pour gagner le pont et qu'elle se révèle progressivement à la lumière des étoiles, habillée des couleurs de la nuit, je suis frappé par la rudesse du regard qu'elle porte sur moi. Son menton relevé aiguise l'air nocturne tandis que sa main remonte la rambarde comme si elle cherchait à l'étrangler.

Son visage plus lourdement fermé qu'une porte de prison, sa posture qui oscille entre la défense et l'attaque : tout en elle me crie qu'elle est en colère. Et ce n'est que parce que je la connais bien, que je ne me laisse pas totalement abuser par cette façade hautaine et belliqueuse. Malgré tous ses efforts pour me lancer des poignards avec ses yeux, je peux voir leur adorable forme en amande se retenir de ciller à mesure qu'elle s'approche. Je remarque également que sous sa chevelure lourde et gorgée d'humidité, ses épaules retiennent des frissons glacés.

Qu'importe sa défiance, j'ai envie de la serrer contre moi et de l'emmener au chaud. D'un geste instinctif, je retire mon manteau, m'avance jusqu'à sa hauteur et ouvre largement les pans pour l'accueillir.

- Viens vite, tu risques d'attraper froid.

Dans un « Tss » agacé, elle lève aussitôt la main pour m'arrêter. Son beau visage se transforme en un masque de dédain et elle renifle avant d'ironiser d'un ton acide.

- Ne t'en fait pas pour moi. A ce que je sache, les morts n'ont pas la capacité de s'enrhumer.

Il semble qu'elle soit au courant des déclarations que j'ai transmises aux médias. Je comprends mieux son humeur massacrante. J'aurais préféré lui dire moi-même et m'expliquer calmement, mais pour ça il est déjà trop tard... 

- Je suis désolé, Bice. Si les médias avaient fait le lien entre ma présence à ton mariage et ta disparition, tu aurais été exposée au yeux de mes ennemis. Je ne pouvais pas le permettre ...

- Giorno, je me moque royalement de tes excuses, me coupe-t-elle en secouant la tête. La seule raison pour laquelle je suis ici, c'est pour que tu autorises enfin cette pauvre Alice à aller se reposer. Et pour ta gouverne, Felice a toujours une dent en moins et un œil au beurre noir.

Je reste sans voix. Non pas parce qu'elle a raison de me tancer. Non pas parce que je me sens coupable d'avoir négligé mes hommes. Mais parce que sa moue furieuse est beaucoup trop excitante.

Son intransigeance et ses reproches me rappellent lorsqu'elle prenait de la hauteur, sans élever la voix, pour réprimander les élèves récalcitrants de sa classe. Déjà à l'époque, et encore plus maintenant, cela me donnait envie de la vénérer comme une reine et de la combler de milles attentions indécentes. Et toute la contrariété que j'ai infligé à ma libido en me retenant de la prendre quand nous étions sur mon yacth me revient comme un retour de flamme... Heureusement, la voix de Jotaro qui se profile derrière moi me fait l'effet d'une douche froide.

- Alors c'est elle...

J'acquiesce silencieusement et autorise mes hommes à prendre congé.

Avant de se retirer, Alice pose sa main sur le bras de Bice et y applique une pression rassurante. Le petit sourire qu'elles échangent témoigne d'une complicité qui n'aura pas tardé à s'installer entre elles. Je ne suis pas étonné. C'est exactement ce que j'avais souhaité en demandant à Alice de prendre soin d'elle. Pourtant je ne peux m'empêcher d'être un peu envieux. Depuis que je l'ai retrouvé, pas une fois elle ne m'a souris ainsi...

Enseigne moi la patience - Yandere GiornoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant