Chapitre 2 : Inconscience

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 Après les épreuves qui signent le dernier jour de travail de l'année, ma collègue de Physique-Chimie me propose de fêter dignement l'arrivé des vacances. Pour la première fois, j'accepte bien volontiers l'invitation.

Nous nous installons à la terrasse d'un petit bar du quartier historique, dont la façade ocre se rehausse sous la lumière rouge et déclinante du soleil napolitain. Le serveur nous apporte un vin de pêche pétillant et les bulles sucrées ne tardent pas à nous délier les langues. Nous partons dans plusieurs éclats de rire en partageant ces anecdotes que seuls les profs peuvent raconter. Mais, je me garde bien d'évoquer la plus marquante d'entre toute.

Et pourtant, Dieu sait le bien que ça me ferait de pouvoir me livrer à l'oreille bienveillante de Sancha. C'est une personne adorable et compréhensive, presque une amie, pourtant, j'ignore comment elle réagirait, et la peur d'être jugée m'empêche définitivement de me délester de ce lourd secret. Alors je bois pour oublier, peut être un peu trop, si bien que j'ai maintenant du mal à savoir si le feu qui me monte aux joues est la cause du vin de pêche ou de la chaleur estivale que même la nuit ne parvient pas à étouffer.

Dans l'euphorie de nos discussions, je ne vois pas le temps passer. Ce n'est que quand le serveur vient nous annoncer que le bar est sur le point de fermer que je devine l'heure tardive. Au moment de nous quitter, Sancha se propose de me raccompagner.

- Tu devrais pas rentrer toute seule. Ton quartier, il craint tellement que même mon frère ose pas s'y promener la nuit.

- Justement. Je refuse que tu me raccompagnes et que tu soies obligée de faire le trajet du retour toute seule. Il est craignos, mais c'est mon quartier, et je le connais bien.

- Ok, mais dans ce cas, garde ton téléphone à la main, juste au cas où. Et surtout, envois-moi un message pour me dire quand t'es bien rentrée !

J'acquiesce et nous nous enlaçons pour nous dire au revoir. Sur le trajet du retour, sans être véritablement ivre, je me sens enhardie par les effets de l'alcool. Mon esprit est plus léger, comme libéré de mes soucis et de mes obsessions.

D'ordinaire, je prend garde à ne pas flâner dans les ruelles malfamés de Naples à la nuit tombée. Mais pas ce soir. En un an, ce doit être la première fois que je fais entorse à ma prudence naturelle. Le pas léger et lent, je sillonne à travers les rues qui se font de moins en moins éclairées et de plus en plus parsemés de tags, signe que je me rapproche de mon quartier. Loin d'être le plus entretenu et sécurisant des arrondissements de la ville, je ne m'étais résignée à y habiter uniquement parce que les loyers y défiaient toute concurrence, ce qui me permettait de faire quelques économies tous les mois. Au départ, j'avais crains de me faire agresser ou au minimum alpaguer par les gens peu recommandables qui faisaient la loi dans le voisinage. Étrangement, je n'avais jamais eu le moindre problème. J'ignore si c'est l'effet de la chance ou grâce à mes habitudes de vie bien ordonnée, mais avec le temps j'ai presque finis par ne plus y penser.

C'est sans doute la raison pour laquelle je me permet ce soir de flâner sur le trottoir. Malgré l'heure tardive, je marche avec décontraction et je prend pour la première fois le temps d'observer d'un peu plus prêt les fresques de couleurs flashy que composent les tags : graff en tous genre, apologies de la drogue, de l'anarchie, et noms de gangs qui clament leurs droits sur ce territoire.

Enseigne moi la patience - Yandere GiornoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant