CHAPITRE 15

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〝 𝚅𝙸𝙾𝙻𝙴𝙽𝚃𝙴𝚂 𝙲𝙾𝚄𝙻𝙴𝚄𝚁𝚂 〞

LOLA

Vers six heures du matin, le soleil s'est levé, irradiant le Nevada d'une clarté orange. J'étais sur le point d'aller me coucher, mais je me suis arrêtée pour le scruter longuement.

Un jour, Knox m'a dit que c'est ce qu'on appelait l'heure dorée : la première heure de lumière après le lever du soleil ou la dernière avant le coucher de celui-ci. S'il avait été là, il m'aurait probablement balancé une phrase du style « Mère Nature n'a pas besoin de filtre ». Il aurait eu un petit sourire et se serait contenté de fixer l'horizon, les yeux à demi-clos. Même brûlé continuellement pendant de longues minutes, il n'aurait pas détourné ses iris vairons du paysage.

C'est contre cette pensée qu'il a fallu que je lutte, brandissant mon courage comme je ne l'avais jamais fait auparavant afin de ne pas pleurer. Je suis de toute même parvenue à ravaler la bille qui remontait dans mon œsophage. Pourtant, je n'ai pas cessé de frissonner. Et ce n'était pas des frissons de froid, mais bien des frissons d'épouvante. Penser à Knox m'avait insufflé assez de terreur pour sentir cette chair de poule me picoter brutalement l'échine. Alors j'ai respiré le moins que je le pouvais, tout en ordonnant à mon cœur de battre plus calmement. À cet instant précis, je me suis dit que lui aussi devait regarder le ciel et que lui aussi sentait la chaleur du soleil contre son visage.

Oui, pour une fois, j'ai préféré me mentir à moi-même, me convaincre que tout allait bien de son côté comme du mien, parce que si je ne l'avais fait, la vérité aurait pu me tuer.

Quand le jour s'est totalement levé, je n'ai eu qu'une chose à faire : m'occuper l'esprit pour me vider la tête.

Toute la matinée, je l'ai passée à dessiner puis colorier des feuilles blanches que j'ai trouvées dans le tiroir d'un meuble de la cuisine. Quitte à me convaincre qu'aujourd'hui allait être une journée des plus banales, le dessin m'a semblé plus que nécessaire pour survivre entre ses quatre murs. C'est de cette façon que j'aurais passé mon été : à dessiner des robes. J'aurais adoré montrer mes croquis à Knox, et lui aurait adoré me taquiner en me disant que chacune des tenues que je dessine serait parfaite si elle était accompagnée d'une paire de hauts escarpins. Il sait que j'ai horreur des talons qui mesurent plus de six centimètres.

La tête posée dans ma main droite, un crayon dans la gauche, je ne manifeste pas la moindre émotion quand la porte de la chambre de Nick grince sous ses gonds.

Je l'ignore, ne le regarde même pas, et je crois qu'il en fait de même. C'est comme si j'étais parvenue à le conjurer silencieusement de ne pas m'agacer. Pourtant, derrière le prisme de sa tasse en verre remplie de café, je devine que ses yeux ne sont pas posés sur le paysage ou sur la télévision, sur le canapé ou sur Lenin allongé dans son arbre à chat.

Ils sont sur moi.

De colère, le sang revient aussitôt dans mes joues et deux questions dans mon esprit.

Nick va-t-il aller travailler aujourd'hui ?

Et pourquoi ne m'a-t-il pas encore taquiné sur mon physique totalement désordonné ?

Je sais que j'ai une tête de déterré, mais Nick ne semble plus s'en étonner avec le temps. Quand il s'est levé, il ne m'a pas posé de questions. Il s'est préparé un café, à l'autre bout de la cuisine ouverte, et maintenant qu'il a terminé de le boire, il ne cesse de jouer avec une pomme, la soupesant avant de l'envoyer valser dans les airs.

— Tu n'es pas branchée économie d'énergie pour gâcher autant de papiers.

Une infâme douleur sévit dans ma tête, dès que j'entends la voix du policier allemand, comme si quelqu'un frappait un étau contre mes tempes. Je soupire en levant les yeux vers lui. Je ne sais pas si ce qu'il souhaite est de me mettre mal à l'aise, mais cela ne fonctionne pas. Nick n'est vêtu que d'une serviette noire, serrée autour de ses hanches. Ses cheveux blonds, encore mouillés, sont plus foncés dû au contact de l'eau.

UNDERDOGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant