Chapitre 3

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24 mai 2023 - Nice – PDV Liv

J'écoutai distraitement ma professeure de piano nous parler pour la millième fois de l'année de la position de nos poignets lorsque nous jouions quand le bruit d'un claquement de porte me ramena à la réalité du moment. Je tournai rapidement la tête pour apercevoir un homme, qui semblait lui-même surpris de sa présence ici. Il ne me fallut pas longtemps pour le reconnaitre. C'était le type un peu perdu venu me parler de son morceau de piano la veille au soir. Qu'est ce qu'il pouvait bien faire là ? J'eu à peine le temps de réfléchir à cette question que Madame Fessy était déjà en train de le mettre à la porte. Sa venue relevait peut-être de quelque chose d'important ... Cela me faisait trop de peine de le laisser se faire réprimander. Après tout, il avait été gentil avec moi hier. Un soupçon d'audace plana dans l'air, et j'interrompis ma leçon pour rejoindre le jeune homme toujours planté comme un piquet au sommet des escaliers. La crainte de regretter plus tard ce moment de témérité me traversa également alors que je saisissais son bras pour l'entrainer hors de la salle.

- Qu'est-ce que vous faites ici ? demandai-je à voix basse

- Je, euh ... voulais me renseigner pour des leçons de piano

- Charles excusez-moi d'être aussi franche mais vous mentez très mal. Vous composez vos propres morceaux, je ne vois vraiment pas pourquoi vous auriez besoin de venir prendre des cours ici.

- Vous vous souvenez de mon prénom ? questionna-t-il, un léger sourire se formant sur ses lèvres

- Évidement, on s'est rencontrés hier. Je m'inquièterais plutôt si je ne m'en souvenais pas.

Un doux rire lui échappa

- J'aurais voulu me perfectionner en composition

- C'est n'importe quoi, je sens que vous me menez en bateau, exposai-je clairement

Un silence s'installa entre nous et semble durer une éternité. Happée par la clarté de ses yeux, la peau de ma main qui était restée sur son bras commença à me brûler. Je rompis donc le contact brusquement et détournai le regard.

- Ce serait possible de se tutoyer Liv ? soupira-t-il

- Je pense que oui ... Je vois que tu te souviens également de mon prénom

- Difficile de l'oublier, dit-il en capturant à nouveau mon regard

Un nouveau silence passa, et j'aurais aimé que ce moment dure plus longtemps. Mais la porte s'ouvrit derrière moi et une voix me rappela à l'ordre

- La pause est terminé Nielsen. Dépêchez-vous, les progrès ne vont pas venir tout seuls, aboya Madame Fessy avant de re-rentrer dans l'auditorium.

- Excuses moi, je vais te laisser. Le devoir m'appelle apparemment ...

- Liv, juste une seconde s'il te plait, implora Charles alors que j'étais déjà en train de redescendre les marches menant jusqu'au piano en contre-bas. Tu as raison, je suis pas venu pour des cours de piano. Je veux juste discuter. Avec toi. De musique. T'es la première personne à me complimenter sur mon travail. Je veux parler de piano, avoir un avis constructif et pouvoir évoluer, s'il te plait.

La porte de la salle de musique se referma sur lui avant que je n'aie eu le temps de lui donner ma réponse. Elle ne rouvrit pas dans les minutes qui suivirent. J'imaginais donc le grand brun faire demi-tour sans la confirmation qu'il aurait voulue. Tout cela n'était clairement pas dans mes habitudes : bousculer l'autorité de Madame Fessy, interrompre ma leçon de piano pour quelqu'un que je ne connaissais pas et par-dessus le marché me sentir coupable de ne pas avoir répondu convenablement à cette dite personne ... La fin du cours de musique me parût excessivement longue. Mon esprit dérivait ailleurs, inévitablement vers Charles et cet échange bizarre que nous avions eu.

À 12h30, je sortis enfin du conservatoire et me dirigea vers l'arrêt du bus qui me menait chez moi. Écouteurs sur les oreilles, je consultai les messages et les notifications que j'avais reçus durant la matinée : deux messages de mon père, un appel de mon amie Hannah, une identification sur une photo Facebook, une demande d'abonnement sur Instagram ... Les informations défilaient sur mon écran et il me fallut quelques secondes pour me rendre compte de cette dernière notification.

« charles_leclerc a demandé à vous suivre »

Je verrouillai mon téléphone et portai une main à bouche en prenant le temps de réaliser ce que je venais de lire. Un frisson parcouru ma colonne vertébrale. J'avais sans doute dû lire de travers. Je déverrouillai à nouveau mon appareil pour retomber sur cette même page Instagram et ce même message qui était bien réel. J'appuyai, la main légèrement tremblante sur "Accepter" et me levai pour descendre du bus.

L'après midi ne consista qu'en une recherche de multiples activités pour détourner mon attention de tout cette histoire. Je n'avais pas eu le courage ni de suivre Charles en retour, ni de consulter son profil. Après avoir terminé ma troisième fournée de cookies au citron, mon plan était tout trouvé : ignorer cette affaire jusqu'à oublier. Jusqu'à l'oublier lui. 

CODE ROUGEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant