Une chose s'enfonçait dans ma joue... Je ne savais pas ce que c'était, et dans mon état de demie-torpeur, je ne pouvais distinguer le réel du rêve. J'avais rêvé que mère était là, près de moi, avec mon frère qui courait partout en jouant. Ils avaient l'air tellement heureux, tous les deux. C'était l'époque d'avant les soucis... Le petit garçon innocent était flou, je ne voyais que son sourire, tout le reste n'était qu'une masse sans forme lilac et blanc, pourtant, je le reconnaissais comme mon frère. Il faisait joyeusement des cercles autour de moi et ma mère, puis il s'était enfui vers l'horizon. J'avais tenté de le suivre, mais quelque chose m'en empêchait, un mur invisible nous séparait, lui et moi. Je ne pouvais plus bouger, je criai après lui, mais aucun son sortait de ma bouche. Soudain, j'entendis une voix d'enfant dire monotonement :
- Tu n'es pas un chat... Tu n'es pas intéressante.
La chose sur ma joue continua pour autant à s'enfoncer. Elle me faisait mal, elle pressait trop près de mon œil blessé. J'ouvris tant bien que mal mes yeux, et je vis de mon œil gauche une masse blanche qui avait vaguement la forme d'une personne. Ma vue se précisa un peu et je vis qu'il s'agissait d'un jeune garçon de quinze ans environ aux cheveux blancs sales, décoiffés, à la peau d'albâtre et aux yeux d'un bleu électrique inouï. Il me tripotait la joue pour voir si je réagissais en faisant une moue ennuyée. Remarquant que je revenais à moi, il se leva de façon gauche à l'aide de jambes et de bras si disproportionnellement longs par rapport à son corps qu'il ne semblait pas savoir quoi en faire. Il se mit ensuite à marcher d'un pas irrégulier vers le grand chêne effondré, s'accroupit et se mit à gribouiller quelque chose dans la terre meuble avec un bâton. Il était maigrichon, et portait des vieux jean bleu délavé et une chemise blanche, ou plutôt qui devait être blanche par le passé mais qui était maintenant une sorte de grisâtre suspecte. Tous deux étaient bien trop grands, comme si ces vêtements avaient appartenu à quelqu'un avant lui.
J'avais aucune explication... Qui était-il ? Il ne se préoccupait pas du tout du fait que le côté droit de mon visage était en sang ? Je me levai avec difficulté et rampai hors du buisson. Je passai devant une flaque limpide, mon œil était bien amoché et je ne voyais plus avec, mais c'était le moindre de mes problèmes... Je n'avais aucune idée d'où j'étais, de comment j'allais survivre, de comment j'allais trouver à manger, de quelle distance me séparait de mon village et surtout de ces capes noires sans visage. Cet inconnu était probablement ma seule chance de m'en tirer sans plus de séquelles que j'en avais déjà, je devais m'estimer heureuse de n'avoir perdu qu'un oeil : sans ma vue, je serais morte. Je m'approchai lentement du garçon albinos quand soudain il m'annonça sans se détourner de son gribouillage de terre :
- Je suis R. Tu viens du village des corbeaux, non ?
Droit au but, aucune politesse, seulement une accusation. Les corbeaux, c'était le nom que les humains donnaient aux vampires. Ils avaient si peur de ces créatures nocturnes que même prononcer leur nom était un tabou et vu comme porteur de malchance. Le village des vampires était un petit amas de maisons reculé, entouré de montagnes, loin de toute civilisation humaine. C'est en effet d'où je venais d'être chassée, mais j'estimais que lui révéler que même ces bêtes cannibales me voyaient comme un monstre n'était pas très judicieux... J'avais besoin de lui, mais le fait qu'il sache d'où je venais me perturbait beaucoup. C'était possible qu'il en sache plus, et si c'était le cas, les chances qu'il se décide à m'aider étaient très minces. Il continua sans attendre de réponse.
- Je sais que tu n'es pas un corbeau, ou du moins pas entièrement corbeau, tu es trop amochée pour ça. Les corbeaux se regénèrent presque instantanément. Et puis, ces queues de renard... je n'ai jamais vu de corbeau pareil. C'est assez intéressant en fin de compte. Sachant que tu n'es là que depuis que le chêne est tombé, et que tu n'as pas de provisions sur toi, j'imagine que tu t'es enfuie du village car tu y as été chassée, il n'y a pas longtemps de cela. Il y a une probabilité de 67 % que ta fuite ait un lien avec ces queues.
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Crimson Curse
FantasyJe courais, je courais aussi vite que je pouvais. Mes jambes étaient en feu, me suppliaient d'arrêter, mes pieds étaient en sang, mon cœur battait comme un piston. Je courais encore. Toute ma vie, je n'ai fait que fuir. Je croyais que c'était la bon...