Blanche comme Neige

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Onix nous rendit visite comme prévu après ses cours. À mon étonnement, Last était heureuse d'apprendre qu'elle aurait des leçons de piano ; elle disait vouloir accompagner ma voix quand je chantais. Elle était adorable, cette petite, mais ce n'était qu'à ce moment-là que je remarquai qu'elle n'était plus si petite que ça : elle avait beaucoup grandi depuis que j'étais arrivée à la maison verte. Elle avait gagné presque une tête. Elle ne pouvait plus venir s'assoir sur mes genoux le soir, et se contentait de s'enrouler dans mes queues.

Le soir de sa première leçon, son professeur sonna à la porte et fut accueilli par Martha, qui comme à son habitude se mit aussitôt à sortir des théories absurdes comme quoi Last s'y mettait en plus de moi et R... Elle ne voulait vraiment pas lâcher l'affaire... Et comme prévu, quand il annonça qu'il était là pour donner un cours de musique, et pas — comme Martha le pensait — pour un rendez-vous amoureux, elle le laissa entrer volontiers et commença à l'appeler "petit chou" ou "mon grand", deux termes que je jugeais ironiquement contradictoires.

Onix s'installa devant le vieux piano rénové qu'on avait déplacé dans le salon pour faciliter les leçons, accompagnée d'une Last enthousiaste. Je débarrassais la table quand le cours débuta ; à la base je devais quitter la pièce aussi rapidement que possible pour les laisser se concentrer, mais je cédai à ma curiosité indomptable, et je mis au total trente minutes pour ramasser cinq assiettes et traverser la petite salle. J'écoutai Onix expliquer les bases, la signification des touches noires par rapport aux touches blanches, la situation des notes, comment lire une partition et le placement des doigts sur une mélodie simple. J'étais sur le seuil de la porte de la cuisine quand il m'interpella :

- Tu sais, Kitsune, tu peux rester si tu veux.

- Oh, non... Je ne ferais que vous gêner, protestai-je mollement.

- Tu es tellement discrète, tu ne gênes pas du tout, me rassura-t-il gentiment, n'est-ce pas, Last ?

- Pas du tout ! confirma-t-elle d'une voix mielleuse, Pour être honnête j'avais oublié que tu étais là.

- Heu... Bon, si vous insistez... acceptai-je timidement.

J'étais un peu perplexe. D'un côté le cours m'intéressait, mais d'un autre côté, savoir qu'Onix était probablement amoureux de moi me mettait mal à l'aise. Malgré cela, une fois les assiettes posées dans la cuisine je me précipitai de retourner auprès du piano. Dans les dernières dix minutes de classe, Last réussit à persuader son professeur de faire une démonstration de ses talents. C'était magnifique, les notes semblaient virevolter autour de ma tête comme des danseuses de ballet, aussi légères que du coton porté sur le vent. J'étais dans une étrange extase, dans une bulle de musique. J'étais hypnotisée. Sans m'en apercevoir, je me retrouvai à chanter le même air que l'instrument. Je ne savais pas depuis combien de temps ma voix se baladait seule sans mon accord, mais quand je me rendis compte que les autres me dévisageaient je m'arrêtai subitement.

- Non, non, ne t'arrête pas ! m'encouragea Onix, C'était joli...

- Je... commençai-je à contester.

- Onix ! Je crois qu'il est l'heure de rentrer, non ? intervint Martha qui passait sa tête par l'ouverture de la porte.

- Ah, oui ! s'exclama-t-il en regardant l'horloge dans le coin de la pièce qui indiquait huit heures et demie, J'ai pas vu le temps passer ! Père va s'inquiéter...

Il ramassa ses livres et partit en vitesse, lançant un petit "au revoir" par dessus son épaule. 

Les jours suivants il revint plusieurs fois, parfois accompagné de Clear. Quand elle était là, je lui donnai toute mon attention. Elle était vraiment mignonne, et très timide. Souvent elle voulait simplement jouer au ballon dans la jardin, ce qui me donnait une excuse valable pour m'éloigner de la situation embarrassante qui m'attendait sans doute auprès des musiciens. Au fur et à mesure, elle s'ouvrait plus à moi, et je pus voir le côté malicieux auquel son père faisait référence. Elle jouait sans cesse des tours à Martha, bloquant les portes avec la lampe du salon, ou coloriant l'espèce de gommette rouge sur l'évier en bleu, et la gommette bleue en rouge, inversant l'eau chaude et l'eau froide, ou en attrapant le chat et en l'enfermant dans l'armoire pour que lorsqu'on l'ouvrait, l'animal affamé nous bondît dessus. Elle arrivait même à embrouiller R pour faire main basse sur sa guimauve, ce qui relevait de l'exploit. Sa malice n'allait jamais bien loin, et ses tours relevaient plus des blagues qu'autre chose. C'était toujours amusant de la voir rire aux éclats derrière la porte en regardant R chercher ses friandises subtilisées.

Crimson CurseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant