Rouge comme une Tomate et Voix de Rossignol

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- Bonjouuuuuuur, Mademoiselle ! Il est l'heure de vous lever ! chantonna Laura joyeusement en tirant les rideaux.

Je plissai les yeux et levai ma main pour essayer de les protéger de la lumière ardente du soleil matinal. Je n'étais pas du matin, et encore moins ce celui-ci : je savais qu'il ne faudrait pas longtemps à ma soubrette pour poser la question qui allait me rappeler des événements désagréables. Pour éviter de mourir de honte, j'appliquais une simple règle : accepter toutes les situations comme normales sur le coup, puis essayer de rayer le moment embarrassant de la mémoire par la suite. J'utilisais déjà la première partie de cette règle pour ne pas sombrer dans la panique après les évènements de la veille, parce que ce n'était pas très rassurant de se faire kidnapper, mais j'étais plus que pressée d'oublier ma première soirée à la Cour.

Je me redressai et sortis les pieds du lit. Il faisait agréablement frais dans la chambre et le chant des oiseaux dehors donnait envie d'aller se promener dans les immenses jardins du château. C'était la seule chose que j'avais hâte de faire, courir dans le jardin. Je rêvais de gambader dans cette herbe verte quand Laura me ramena sur terre de la façon la plus brusque possible :

- Alors, comment s'est passé la soirée ?

J'émis un soupir découragé et je retombai mollement sur l'oreiller. Toute mon énergie venait d'être aspirée par cette petite phrase sans arrière-pensées.

- Dois-je comprendre que ça ne s'est pas bien déroulé ? me demanda-t-elle avec un sourire sympathique en m'apportant une carafe d'eau.

Je roulai sur ma gauche et je tombai du lit avec un "Thomp !" disgracieux, plus molle qu'un mollusque. Au revoir, motivation, contente de t'avoir connue...

- C'était horrible... gémis-je faiblement : mes poumons récupéraient encore du corset.

- Allons, ça n'a pas pu être si affreux... si ? s'enquit-elle gentiment en essayant de tirer ma main pour me faire remonter sur le lit.

- Si... Les autres nobles me détestent, le roi me prend pour une imbécile, j'ai pas pu respirer de la soirée, il s'avère que je ne sais absolument pas danser, j'ai fait autant de faux-pas qu'il est humainement possible mais personne n'a encore pensé à me renvoyer chez-moi ; personne ne m'écoute ou me prend au sérieux à part toi —merci beaucoup au passage—  ma "mère" me hait avec passion après ce qui c'est passé et j'ai un fiancé... Je continue ou c'est un bilan assez complet ? résumai-je pathétiquement.

- Non, continuez ! m'encouragea-t-elle, manifestement curieuse malgré ma mollesse, Comment s'est passé la demande en mariage ?

- Mal, rétorquai-je pour toute réponse en me relevant lentement.

- Oui, mais encore ? Qu'est-ce qu'il a fait concrètement ?

- Il m'avait prévenue à l'avance pendant que nous dansions que je n'avais pas le choix, j'étais obligée de dire oui, puis ma "mère" me l'a très gentiment rappelé un peu plus tard en me menaçant de me laisser pourrir au grenier si je lui faisais plus honte que je lui avais déjà fait. Après, la musique s'est arrêtée, tout le monde s'est réuni en cercle autour de nous et Hunter s'est mis à genoux pour réciter la page et demie de texte qu'on lui avait préparé et m'offrir une bague, mais ce foutu corset m'empêchait de respirer et vers la moitié de son discours environ je me concentrais plus sur l'air autour de moi que ce qu'il disait... puis je me suis effondrée sur lui par manque d'oxygène... Et d'après ce que j'ai compris, les chères dames de la cour croyaient que je me jetais sur lui par désir... hem, voilà. Maintenant j'ai une sacrée réputation, tous les nobles croient que les paysans ne savent écouter que leurs instincts, et j'ai un fiancé parce qu'ils ont pris ça pour un "oui".

Crimson CurseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant