Crimson Curse

White Lies

Le Docteur me mena à l'intérieur, nous montâmes au premier étage puis nous entrâmes dans un petit bureau circulaire. Nous étions dans une tour à l'extrémité du château ; il y avait deux fenêtres à meneaux qui donnaient l'une sur le sud, l'autre sur l'ouest. Une chaise et un bureau en bois massif orientés pour faire face à l'unique porte d'entrée se trouvaient au centre de la pièce, tournaient le dos à la fenêtre du sud. À ma gauche, le mur de briques blanches était tapissé de portraits, de cartes sur lesquelles des flèches rouges avaient été dessinées, des textes manuscrits, sans doute des témoignages... Je me perdis dans l'observation de ce "mur d'enquête" à tel point que je ne remarquai pas d'abord lorsque le Docteur me pria une première fois de m'asseoir en désignant l'une des deux petites chaises en face du bureau.

Lorsque je compris enfin son instruction et que j'obéis, je me rendis compte que je n'étais pas la seule interrogée dans cette pièce : à ma droite se trouvait Hiver Rel, soldate de l'escouade de Raival. Je n'avais aucune idée de pourquoi il cherchait à nous interroger ensemble, mais cela ne me rassurait pas... Il ne l'avait pas fait par hasard. Le seul bon point était que le fait qu'elle soit là m'aidait : j'étais en position idéale pour m'en approcher après être sortie de cet endroit. Griffmann débuta son interrogatoire, en commençant par moi :

- Dites-moi, Mademoiselle Saule, avez-vous entendu quelque chose hier soir ? Un bruit inhabituel peut-être ?

- Oui, en effet, répondis-je, essayant d'être la plus détendue possible.

- Qu'avez-vous entendu ?

- C'était un terrible fracas, je pensais que quelqu'un avait fait tomber un plateau de verres près de ma porte, mais il s'avère qu'il s'agissait des fenêtres qui se brisaient, je les ai vues quand je me suis levée ce matin. Puis j'ai entendu des voix frustrées, mais quand le brouhaha s'est calmé je me suis rendormie, mentis-je en me servant de ma meilleure voix de noble.

Soudain, je compris : j'avais sauté du premier étage, juste à côté de ma chambre. Il m'interrogeait à cause de la localisation des appartements Di Sonatia ! J'aurais pu sortir de ma chambre et avoir vu le visage du meurtrier. Enfin, ç'aurait été le cas si je n'avais pas passé la nuit dans la chambre de Hunter et lui dans la mienne... Il faudrait que j'avertisse Hunter de ne pas oublier ce petit détail si jamais il se faisait interroger, lui aussi, sinon Real Hope risquerait d'être exposé. Ce ne serait pas très agréable pour moi...  Bien que je ne tinsse pas à ce que mon alter ego masculin se fisse découvrir, c'était le moindre de mes problèmes. C'était le pire moment pour paraître suspect.

- Et pourquoi n'êtes-vous pas sortie de votre chambre pour voir d'où venait le tumulte ? continua le Docteur, imperturbable face à mon témoignage moins que complet.

- La journée m'avait beaucoup fatiguée, je m'imaginais que le tumulte comme vous dites venait d'une servante maladroite qui se faisait reprocher d'avoir cassé la verrerie. J'ai pensé mieux de les laisser à leurs affaires. Je ne pouvais pas savoir que Monsieur De Villey était mort ! inventai-je hâtivement.

Il prit un moment pour noter des observations dans son carnet, ce geste me rappelait tellement R. Le silence était brisé seulement par le "scritch scritch" de sa plume sur le papier granuleux et la respiration quelque peu angoissée des interrogées. L'atmosphère était tendue. Je passai rapidement en revue toutes les choses qui pourraient m'incriminer, mais tout ce à quoi je pensais soit ne pouvaient pas m'être reliés, soit ne se suffisaient pas à eux seuls. Je jetai un œil à la soldate qui maintenait toujours une posture impeccable, quoique raide, et une expression impassable.

- Mademoiselle Saule, on m'informe que vous êtes originaire du village d'Alamandra, un village classé "en danger d'invasion" par l'armée de l'Humanité. Il y aurait un petit groupe de vampires à proximité, en auriez-vous déjà vu ? me demanda Griffmann froidement en relevant les yeux.