Martha nous garda à l'œil pendant les semaines après cette nuit-là. Bien qu'on lui ait rapporté l'entièreté de notre conversation, elle continuait à penser que nous étions, je cite, des "sales petits coquins qui faisons des cachoteries la nuit"... La phrase absolument pas bourrée de sous-entendus. J'avais beau dire que je le voyais comme un frère, et lui qu'il me voyait comme sa sœur, rien à y faire, la dernière partie de la conversation et ce que lui avait rapporté Last étaient "preuve suffisante" pour nous interdire de rester seuls sans surveillance. Alors elle procéda à assumer son rôle de patrouilleur assez comique, appuyée contre le cadre de la porte du salon, bras croisés, nous jetant un regard noir. R l'ignorait royalement, mais moi, je pouffais à chaque fois. C'était ses efforts pour paraître sévère et méchante pour nous "décourager de recommencer" qui étaient tellement peu crédibles : n'importe qui ayant passé plus de une heure avec Martha savait bien qu'elle était incapable d'être dure. C'était une vraie peluche !
Last était encore plus motivée à monopoliser mon temps, elle me séquestrait bien plus souvent pour ses devoirs, même pour les problèmes qu'elle savait résoudre, ou alors le soir, elle faisait exprès de s'assoir sur mes genoux et de se dorloter dans mes longues queues. Elle jetait de temps en temps un regard vainqueur à R, dans le genre "tu aimerais bien être à ma place, non ?", puis lui tirait la langue. Elle avait beau avoir treize ans, elle se comportait comme ma frangine de sept ans qui protégeait sa grande sœur du méchant pervers. C'était adorable, mais assez gênant parfois, surtout si en plus Martha observait la scène. Heureusement que R se concentrait plus sur le bol de cerises sur la table basse que moi.
Un jour, c'était dans la quatrième semaine après l'incident je crois, Martha décréta que nous avions le droit de sortir de la maison ensemble, sous la surveillance de Last. Évidemment, elle ne nous laissa pas nous promener où nous voulions, nous devions nous rendre chez le boulanger et ramener l'habituel container industriel de guimauve à la cerise dans un temps prédéfini... À la minute près... Sur le chemin, je chantonnai un petit air joyeux que Last semblait apprécier, je m'améliorais apparement. Nous nous approchions de la boulangerie accompagnés de mon petit couplet quand nous croisâmes la route d'un jeune garçon d'à peu près mon âge. Il avait les cheveux bruns soignés et aux yeux verts, et portait une tenue d'écolier impeccable. Il tenait un livre qu'il étudiait dans les moindres détails dans la main droite et réajustait ses lunettes rectangulaires de sa main gauche. Il manqua de se prendre un lampadaire en marchant, et s'approchait rapidement d'un deuxième, le nez dans sa lecture. Je sursautai quand Last s'écria soudain :
- Onix ! Fais attention, tu vas te faire mal !
Il leva les yeux et évita le bâton de métal, avant de nous rejoindre d'un pas pressé en souriant.
- Merci ! Alors c'était bien toi qui chantait tout à l'heure ! Tu t'améliores ! la complimenta-t-il.
- Ah non, c'était Kitsune qui chantait. Elle a une jolie voix, hein ? le corrigea-t-elle, en souriant.
- Kitsune... Alors c'est toi que ma sœur compare à un ange ! Enchanté ! Je m'appelle Onix, je suis le fils du boulanger, se présenta-t-il en me serrant la main.
- Enchantée Onix. Nous étions justement en route pour la boulangerie.
- Onix est musicien ! Il sait jouer plein d'instruments, et il est très doué ! s'enthousiasma la jeune fille.
- Je ne dirais pas que je suis musicien, je n'ai pas encore le niveau pour ça, précisa-t-il avec un rire gêné.
- Menteur ! Je t'ai entendu jouer du piano, tes morceaux sont très beaux ! rétorqua Last, s'emparant d'une de ses mains pour nous la montrer, Regardez-moi ça, des vraies mains de pianiste !
VOUS LISEZ
Crimson Curse
FantasyJe courais, je courais aussi vite que je pouvais. Mes jambes étaient en feu, me suppliaient d'arrêter, mes pieds étaient en sang, mon cœur battait comme un piston. Je courais encore. Toute ma vie, je n'ai fait que fuir. Je croyais que c'était la bon...