La discussion a continué d'un bon train pendant une petite heure sans que personne n'ait l'idée de s'asseoir à table, et j'ai pu constater de loin qu'il ne restait plus trace d'un blini au houmous, ce que j'ai pris comme un compliment.
L'une des baies vitrées avait été laissée grande ouverte pour les fumeurs, qui allaient et venaient sur le balcon, tandis que Virginie et moi étions restées un peu à l'écart, bavardant sans nous mêler aux autres, à tel point que Virginie a fini par m'interroger à ce sujet.
- Tu sais, je te trouve étrange ce soir.
J'ai haussé les sourcils en souriant.
- Ah oui ? Et pourquoi donc ?
- Je ne sais pas, ce n'est pas trop ton genre de rester dans ton coin... Même lorsque tu n'apprécies pas plus que ça les invités, je t'ai déjà vu donner le change bien mieux que ça.
- Ne vas pas croire que j'ai quelque chose contre eux, ça n'a rien à voir.
- C'est Yann le problème, a complété Virginie à ma place.
- Je déteste quand tu fais ça, tu le sais ?
- Je le sais, a-t-elle répondu d'un air satisfait que j'ai trouvé très agaçant.
J'ai pris une gorgée de vin, le temps de réfléchir à la façon dont j'allais tourner ma phrase.
- Je crois que Yann se fait une nana du labo, ou du moins qu'il prévoit de se la faire.
Virginie a écarquillé les yeux.
- Quoi ? Qui ça ?
J'ai discrètement tendu la main vers l'intéressée, qui était arrivée un peu plus tard dans la soirée et que j'avais pris soin d'éviter tout ce temps.
- Laura, la petite rousse, jeune doctorante. Elle lui a offert une plante.
- Une plante ? Est-ce que tu ne crois pas que tu surréagis un peu ?
- Je ne crois pas, j'arrive à sentir ces trucs-là. Une plante, avec une jolie carte... Et puis tu sais que Yann aime les doctorantes qui le mettent sur un piédestal, c'est même comme ça qu'on s'est rencontrés...
- Je ne sais pas si je dois vraiment te le rappeler, mais pour définir un pattern, il faut plus d'une seule occurrence, Myriam.
- Pas faux, ai-je grimacé. Normalement je ne suis pas jalouse comme ça, mais je suis très perturbée par la présence de cette fille ici.
- Tu peux peut-être aller lui parler ? Rencontrer l'épouse, ça pourrait peut-être la dissuader à l'avenir...
- En ce qui me concerne, ça ne m'avait pas tellement freinée à l'époque. Oh, et puis après tout, c'est peut-être mon karma qui me rattrape. L'ex-maîtresse élevée au rang d'épouse remplacée par la maîtresse suivante... Toi qui cherchais un pattern, ça c'en est un.
- Arrête Myriam, une maîtresse, c'est la nana qui fait joli à son bras, qu'on saute de temps à autre, parce qu'on s'emmerde dans son couple sans vouloir quitter sa femme. Toi, tu n'as jamais été la maîtresse de Yann, parce qu'il est tombé fou amoureux de toi dès le premier jour. Je te le dis en connaissance de cause, j'en ai entendu parler à l'époque, j'étais même inquiète parce que j'avais peur qu'il déteigne sur Sébastien.
- Ça, c'était il y a douze ans, tu sais bien qu'aujourd'hui il n'est plus du tout fou amoureux de moi.
- Parce que toi, tu es folle amoureuse de lui peut-être ?
J'ai pincé les lèvres. La question était déplaisante mais avait le mérite de ne pas se voiler la face. Virginie a poursuivi :
- Ce n'est pas qu'une question rhétorique, je pense sincèrement que tu devrais y réfléchir. Je ne te dis pas de demander le divorce, mais toi-même tu dois bien te rendre compte que ça va difficilement pouvoir continuer comme ça.
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Drache poétique [gxg]
RomanceLes histoires de destinée, c'est de la connerie, je l'ai toujours dit. Mais ce jour-là, une prof de fac pour qui j'avais craqué trois ans auparavant s'est assise, à côté de moi, à une conférence organisée par l'association queer du coin. Alors je me...