vingt - Myriam

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Quand j'ai finalement retrouvé Esmée au café de Saëns, nous étions mi-décembre et deux semaines s'étaient écoulées depuis notre escapade dans l'Aisne.

Etonnamment, j'étais arrivée en avance et je l'ai donc vue se diriger vers moi, un immense sourire aux lèvres. Elle a arrêté un serveur en passant pour lui laisser sa commande, avant d'enlever son manteau et de le poser sur le dossier de sa chaise.

— Je suis ravie de te voir, vraiment, a-t-elle commencé en s'asseyant. J'allais finir par croire que tu ne voulais plus de moi.

J'ai souri en tentant de masquer mon embarras. Elle a alors ajouté :

— Y a un truc assez important sur lequel je voudrais ton avis, mais c'est pas urgent... Parlons d'abord de cette histoire d'élections ! C'est tellement chouette !

J'ai fait une petite grimace gênée.

— En fait je ne vais probablement pas me présenter.

Esmée a immédiatement perdu son sourire.

— Quoi ? Mais pourquoi ?

J'ai haussé les épaules et baissé les yeux vers mon café.

— Je suis dans une situation familiale compliquée.

Elle m'a observée quelques secondes, avant de m'interroger.

— Ton mari pense que ça va te prendre trop de temps ?

J'ai saisi l'occasion pour ne pas avoir à m'expliquer plus amplement.

— On peut dire ça. Disons qu'en définitive, je me retrouve à devoir choisir entre mes responsabilités ici, et celles que me donne le livret de famille.

Elle n'a rien répondu, se contentant de me regarder de ce même air inquiet.

— Oui je sais, ai-je souri tristement, ça ne fait pas très "femme puissante", mais en réalité je n'en ai pas vraiment l'étoffe. Je suis sincèrement navrée de ne pas être à la hauteur de tes attentes sur ce point.

Elle a secoué la tête en signe de négation.

— Ne dis pas ça, tu ne me déçois absolument pas. Je suis seulement triste pour toi, parce que cette perspective avait l'air de te rendre heureuse.

— Je m'en remettrai, ai-je balayé d'un revers de main.

Esmée a semblé hésiter un instant, avant de se lancer malgré tout.

— Est-ce que je peux me permettre une remarque déplacée ?

J'ai arqué un sourcil en souriant.

— Vas-y ?

— Ton mari ne m'est pas très sympathique, pour être franche.

— Je me doute, ai-je soupiré dans une moue désolée. Mais pour l'instant, il est encore mon mari.

— Pour l'instant ? C'est à ce point ?

J'ai haussé une nouvelle fois les épaules, tandis que je sentais un noeud se former dans ma gorge.

— J'essaie actuellement de savoir s'il reste quelque chose à sauver. Et je ne sais pas vraiment comment m'y prendre pour évaluer les dégâts.

— La seule question à te poser, c'est si tu l'aimes encore...

Je lui ai souri amèrement.

— Je n'en sais rien. C'est bien ce qui est difficile. Est-ce que je préfèrerais être dans ses bras, ou bien... être ailleurs. Je n'ai pour l'instant pas la réponse.

Drache poétique [gxg]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant