𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐈𝐈

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Alors qu'elle dormait paisiblement, une sensation de forte lumière l'éveilla. Puis des voix, des pas. Elle pensait avoir raté son réveil et s'être réveillée à midi ! Elle ouvrit les yeux brusquement et se redressa rapidement. Alors qu'elle s'attendait à voir sa chambre, elle découvrit une petite chambre inconnue. Les murs étaient recouverts de chaux blanche, il n'y avait que très peu de meubles : un petit banc en bois, un panier en jonc tressé et un mystérieux coffre en bois. Victoria se rendit compte qu'elle avait dormi sur une espèce de tapis, à même le sol. Elle se tourna vers celui-ci, et fit une moue confuse. Elle se leva précipitamment en direction de la seule petite ouverture de la pièce et jeta un coup d'œil dehors : elle aperçut un long fleuve sur lequel naviguaient quelques felouques, entourées de quelques animaux : des hippopotames et toutes sortes d'oiseaux dont des grues. Autour, des paysans travaillaient la terre, portaient des amphores et s'occupaient des troupeaux de bêtes. Des jeunes enfants se couraient après, s'attrapaient par le col et riaient tout en se battant gentiment. Victoria, toujours le visage collé à la fenêtre, resta bouche bée. Était-elle en Égypte, ou un pays similaire ? Était-ce un rêve ? Cela paraissait bien trop réel pour un rêve. Ses pensées furent chassées par des bruits de pas non loin de la pièce dans laquelle elle se trouvait. Victoria se décolla de la fenêtre et elle se mit dans une position de défense. Une jeune fille se présenta à l'entrée de la chambre.

– Prépare-toi, Son Altesse attend.

Celle-ci s'éclipsa promptement. Victoria n'avait aucune idée de qui était cette fille. Elle mit du temps à réaliser la complexité de la situation dans laquelle elle était. Victoria commença alors à paniquer, tout en étant euphorique. Elle ne savait pas ce qu'attendait cette reine, comment elle devait se préparer, ni même où elle devait aller. Elle passa donc une tête dans l'étroit couloir afin d'interpeler cette fille, mais il était déjà vide. Elle suivit donc son instinct, s'accroupit en face du coffre et l'ouvrit avec hésitation. Elle y trouva quelques affaires : une sorte de drap – sûrement un vêtement de l'époque – des bijoux, une brosse et une sorte de miroir. Mais celui-ci ne montrait que vaguement le reflet de la personne qui s'y regardait. Par réflexe, elle passa une main dans ses boucles volumineuses pour les arranger. En dépliant le drap, Victoria se rendit compte qu'il s'agissait d'une sorte de robe. Pas le temps de se compliquer la vie, elle l'enfila rapidement, noua une ceinture à sa taille et enfila les bijoux : deux larges bracelets aux poignets, un grand et large collier orné de pierres précieuses vertes, – sûrement des émeraudes ou des jades – ainsi que des boucles d'oreilles ornées elles aussi de pierres. Victoria, émerveillée, réarrangea une dernière fois ses mèches et se coiffa d'une sorte de tiare qu'elle plaça sur le haut de sa tête. S'imaginer ainsi était vraiment déstabilisant. Prête, Victoria mit un pied en-dehors de la pièce. Elle donnait sur un couloir, puis des escaliers, menant jusqu'à une petite cour. Ne sachant pas où aller, elle emprunta ces escaliers et traversa la cour, quand une main attrapa violemment son bras. Elle sursauta. Il s'agissait d'une fille de son âge, essoufflée. Elle était vêtue à peu près comme elle, ses beaux cheveux châtains et ondulés tombaient sur ses épaules, et ses mystérieux yeux sombres fixaient Victoria. Victoria retrouva une soudaine gaieté, c'était Rose ! Les deux filles se sautèrent dans les bras. Rose reprit sa respiration.

– Mais qu'est-ce que tu fais là ? Je pensais que je rêvais, confia Rose.

Elles se dirigèrent vers un muret et s'y installèrent.

– Je viens tout juste de reprendre mes esprits. Mais est-ce qu'on rêve ?

– J'en sais rien, je n'ai pas eu le temps de réfléchir. Tu as eu le mot ?

– Le mot ? Quel mot ? s'interrogea Victoria.

Rose soupira en ricanant.

– Dans le coffre, où t'as trouvé tout ton attirail.

Victoria secoua la tête en guise de réponse et ajouta :

– Comment ça, mon attirail ?

– Je plaisante, c'est juste que je ne porterais pas ça habituellement, dit-elle à bout de souffle.

Rose avait fait tout le tour des quartiers des servantes de la reine à la recherche de Victoria. En effet, la servante qui était allée voir Victoria en lui disant de se dépêcher lui avait fait part de « l'étrange nouvelle messagère », selon elle. Rose avait vite compris, d'après le mot trouvé dans le coffre, qu'il s'agissait d'une autre voyageuse. Elle l'avait enfin trouvée, et tentait de reprendre son souffle malgré cette épopée. Elle s'assit avec son amie sur un banc dans la cour. Celle-ci reprit :

– Et donc, il disait quoi ce mot ?
Rose tendit le papier froissé à Victoria.

Octingenti, un problème majeur vous attend. Si vous ne le réglez pas tous ensemble, vous ne reviendrez pas au présent et resterez en Égypte pour le restant de vos jours.

Victoria fit une moue insatisfaite à la vue du message.

– Octi... Octingenti ? C'est quoi ça ?

Rose se pinça les lèvres.

– Octingenti... on dirait du latin, mais je n'en ai pas fait. On dirait une sorte de prénom.

Rose se pencha et reposa son menton sur ses mains. Elle reprit :

– Mais qui s'appellerait Octingenti ? Cette lettre est adressée à ce « Octingenti » ou à moi ? Je ne comprends rien.

– Doucement, on doit clarifier nos idées, affirma Victoria en se penchant vers Rose.

– Tu as raison. Cette lettre s'adresse clairement à nous, le message est trop précis.

– Et je pense qu'Octingenti n'est pas un prénom. On a qu'à demander à un passant.

Un esclave de la reine les coupa en tapant l'épaule de Rose.

– Sa Majesté Cléopâtre vous demande.

Rose remercia l'esclave. Elles attendirent qu'il s'éloigne, et Victoria s'interrogea :

– Et elle est où, la reine ?

– J'en sais rien, sûrement dans son palais, plaisanta Rose.

– Mais oui, t'as raison : Cléopâtre a forcément un palais ou quelque chose du genre.

Rose haussa les épaules. Victoria prit la main de Rose et l'entraîna hors de la cour. Elles arpentèrent les étroites ruelles, bordées d'artisans vendant leurs produits, et couvertes de fils de linge reliés d'une habitation à une autre. 

Les Sables du Temps - Octingenti Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant