𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐈𝐕

27 2 0
                                    

Rose s'effondra entre les deux inconnus sous les yeux de Victoria. Sous ce spectacle inquiétant, elle fut prise de panique. Mais elle eut le bon réflexe ; elle se mit à courir le plus vite possible, saisit une jarre non loin d'elle et la jeta vers les assaillants. Fragile, elle se brisa, vola en éclats et des bouts de terre cuite s'éparpillèrent sur le sol terreux. L'un d'eux se mit à la poursuivre. La panique monta. Il courrait vite, et Victoria craignait qu'il la rattrape. Son cœur battait à tout rompre, son souffle était plus fort que tout. Inspire, expire, il ne fallait pas qu'elle s'essouffle. Ses sandales claquaient sur le sol, et au loin, celles de l'inconnu aussi. Elle se retournait toutes les dix secondes, il était toujours à sa poursuite. Elle continuait sa course tant bien que mal pendant de longues minutes, toujours jetant des coups d'œil derrière elle et percutant des passants.

– Pardon, aïe, pardon... répétait-elle en boucle.

Remarquant qu'elle n'était plus suivie, elle décida de s'arrêter et reprendre ses esprits., Elle s'écroula sur un banc dans une rue sinueuse et occupée par quelques marchands et artisans. Quelques passants négociaient le prix d'un tapis, de nourriture, un groupe de jeunes enfants crapahutaient dans un coin en riant. Aucun d'eux n'avait l'air préoccupé par Victoria. Elle n'avait jamais autant couru, et avait beaucoup de mal à reprendre son souffle. Sa gorge était sèche, elle pensait perdre connaissance pendant un moment. Alors qu'elle suffoquait, un homme s'approcha doucement d'elle.

– Vous allez bien ? Vous avez l'air essoufflée.

Victoria, ne pouvant pas sortir un son de sa bouche, se contenta de faire un signe de la main indiquant que ça allait passer. L'homme, assez corpulent, se leva et alla chercher une amphore remplie d'eau. Il tendit un petit bol rempli à Victoria et poursuivit :

– Buvez, et ça ira mieux.

Victoria attrapa le bol hâtivement et but tout d'une traite. L'homme paraissait âgé d'une quarantaine d'années, et ne semblait pas mal intentionné. Ses doux yeux bruns veillaient sur la jeune fille. C'était sûrement un marchand, seulement vêtu d'un habit blanc au niveau de sa taille, descendant jusqu'aux genoux. Le fait de se balader torse nu dégoûtait Victoria. Une fois que celle-ci ait pu reprendre son souffle, il engagea la discussion.

– Comment tu t'appelles ?

– Victoria.

– Oh, ce n'est pas commun. Où allais-tu comme ça ?

– Euh, longue histoire, souffla-t-elle.

– Tu as besoin que je te guide quelque part ?

Victoria hésita un instant. On lui avait toujours appris à ne pas dire où elle allait à des inconnus. Mais, après tout, beaucoup de gens se rendent sur le port. C'est assez anodin comme destination.

– Je cherche à aller au port. Mais ça va aller, je vais m'y rendre seule.

– Vous êtes sûre ? Je connais un raccourci, je peux vous y amener.

Victoria dévisagea l'homme un instant. Il paraissait purement gentil, mais dans le doute, elle refusa.

– J'ai tout mon temps, je passerai par la ville.

Mensonge, elle devait retrouver Rose au plus vite. Victoria se redressa, et l'homme ne dit pas un mot. Elle afficha un sourire faussement sincère et remercia tout de même l'homme.

***

Les yeux de Rose s'ouvrirent enfin. Elle était allongée, dans une petite pièce humide et sombre ; seule une étroite fenêtre laissait pénétrer un rayon de lumière. Les deux inconnus n'étaient pas présents. L'avaient-ils abandonnée, ici, dans cette cave miteuse ? Elle se leva, la tête qui tournait, fit le tour de la pièce et découvrit une porte, dans un renfoncement, fermée à clef. Elle tambourina la porte, mais aucune réponse. Alors elle resta là, assise contre un mur, pendant dix minutes. Putain, pourquoi c'est toujours à moi qu'arrivent ce genre de choses ? Qu'allait-il lui arriver après ? Qui sont ces inconnus ? Elle réfléchit un instant, s'ils l'avaient enlevée car ils avaient entendu la conversation entre elle et son amie, alors ils comptaient profiter de son statut de messagère. Elle n'eut pas le temps de poursuivre son raisonnement : la porte s'ouvrit à la volée et deux individus entrèrent. Se tenant dans l'obscurité, on aurait dit des ombres. L'un d'eux décrocha une dague aiguisée de sa ceinture, celle-ci réfléchissant le rayon lumineux du soleil, et s'approcha de Rose. Par réflexe, Rose se raidit entièrement et se blottit encore plus contre le mur. Elle murmura des supplications. Ne me tuez pas, s'il-vous-plaît... L'individu ricana face à ses mots. Elle l'avait déjà entendu quelque part, ce rire. Elle en était sûre. La silhouette se révéla petit à petit, passant dans le seul rayon de lumière de la pièce. Il s'agissait d'un adolescent, métis, aux cheveux bruns et bouclés et au regard agressif. Rose, stupéfiée, s'exclama :

Les Sables du Temps - Octingenti Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant