𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐕𝐈𝐈

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Le soir venu, il fallait trouver un endroit où dormir. Rose et Victoria n'étaient pas censées revenir au quartier des servantes de Cléopâtre avant d'avoir livré le message à Jules César. Liam et Oscar devaient renier Ptolémée et prétendre avoir disparu, tandis que et Matthieu et Stan n'avaient aucun endroit où dormir. Par chance, ils trouvèrent une auberge non loin d'Alexandrie. Ils entrèrent dans l'accueil de celle-ci, et un homme âgé d'une cinquantaine d'années se présenta.

– Bonsoir, je suis Ahmet, enchanté. Vous voulez une chambre pour la nuit ?

Liam se tourna vers ses camarades.

– Liam, enchanté. On va prendre trois chambres pour deux personnes s'il vous plaît.

Ahmet haussa les sourcils en hochant la tête.

– Vous voyagez ? D'où venez-vous ?

– Euh, nous venons de Gizeh, nous cherchons à aller à Memphis.

– Oh, figurez-vous que je peux vous proposer de vous y amener à dos de chameau.

Liam ne parut pas convaincu par cette proposition.

– Oh, non ça ira, nous avons une felouque.

Un jeune homme d'une quinzaine d'années entra dans la pièce, jeta un coup d'œil rapide au groupe d'amis et se dirigea vers l'aubergiste.

– Excusez-moi, je vous présente mon fils Denwen. Il se charge de faire les trajets à dos de chameau.

Il fixa Liam de ses yeux sombres et doux et fit un signe de la tête aux adolescents. Liam tendit de quoi payer les chambres, et l'aubergiste reprit :

– Nous avons un toit-terrasse, si vous voulez.

Il désigna un escalier derrière le groupe d'adolescents et les invita à monter. Les camarades remercièrent l'aubergiste, et s'éclipsèrent. Montés sur le toit-terrasse, les six jeunes profitaient du coucher de soleil sur la mer. La terrasse était presque vide, bordée par des murets sur lesquels les adolescents s'étaient assis. On voyait la ville dans des tons orangés, s'étendre jusqu'au port. Plus loin, le soleil descendait petit à petit vers l'horizon marqué par la douce mer. Alors que la plupart des camarades discutaient, Rose réfléchissait dans son coin. Elle cherchait un moyen pour trouver les deux autres personnes manquantes. Elle espérait que le destin les mettrait sur leur chemin. Elle entendit des pas s'approchant d'elle. Oscar s'assit à ses côtés et Rose se renferma tout en lui jetant un regard furieux. Il se lança :

– Écoute, je suis désolé pour ce qu'il s'est passé.

Elle fut très étonnée de ce qu'elle venait d'entendre. Désolé ? Se rendait-il compte de ce qu'il avait dit ? Et rien que de repenser à ses intentions à ce moment-là la dégoûtait. La seule réaction de Rose fut de lui montrer son indifférence.

– Tu peux laisser tomber, pouffa-t-elle.

– Rose, je regrette vraiment.

Elle se tourna vers lui, confuse.

– Bah bien sûr...

Comment pouvait-il regretter un acte qu'il avait commis à peine deux heures auparavant ? Surtout que ses excuses n'avaient pas l'air sincères. Ce n'était sûrement qu'un mensonge pour que Rose oublie ce qu'il s'était passé et ensuite pouvoir la manipuler et se servir d'elle.

– Ce sont des excuses sincères ? Non, je ne crois pas ! Sinon tu n'aurais même commis cet acte. Tu te rends pas compte de ce que tu as fait, répondit-elle, furieuse.

Oscar ne répondit pas. Il paraissait déçu de cette réponse négative. Mais il ne se laissa pas abattre, quelques secondes plus tard, il ajouta :

– Je voulais t'avertir de quelque chose.

Rose souffla et leva les yeux au ciel.

– Bah voilà, tu n'es pas venu pour t'excuser.

– Mais si, insista Oscar.

Rose le coupa, agacée par sa mauvaise foi :

– Mais non, je le sais pertinemment. Dis-moi ce que tu veux me dire et laisse-moi.

– Liam et moi ne sommes pas les seuls à la recherche d'informations. D'autres le sont aussi.

– Qui ?

– Des esclaves, espions et scribes de Ptolémée. Des hommes de Ptolémée. De plus, les festivités de Memphis sont organisées par Ptolémée cette année. Il y en aura beaucoup.

– Et comment sauront-ils que nous sommes des messagères de Cléopâtre ?

Oscar se contenta de ne rien dire, de se mordiller la lèvre inférieure et de paraître un peu gêné. Rose, croyant comprendre ce qu'il lui cachait, poursuivit :

– Non... tu ne leur a pas dit, quand même ?

– Liam aussi. Quand nous t'avons laissée seule, nous sommes allés les voir.

Exaspérée, Rose soupira et ferma les yeux. Après de courtes secondes, elle les ouvra.

– Matthieu et Stan sont au courant qu'ils seront là ?

– Pas vraiment, je l'ai mentionné rapidement. Mais je leur en reparlerai quand on établira le plan.

Rose ne répondit pas et se tritura les doigts.

– Qui me dit que vous n'êtes pas encore de leur côté ? Que vous cherchez à nous tendre un piège ? s'inquiéta Rose.

– Je t'assure qu'au fond, nous avons tous le même but : partir d'ici. Je promets de faire de mon mieux pour aider.

Il s'éloigna. Enfin, pensa Rose. Comment pouvait-il espérer qu'elle le pardonne d'un tel acte ? Vouloir tuer sa camarade pour de simples informations, quelle idée. Elle prit une mèche de ses cheveux châtains et la caressa tout en contemplant le soleil rougeâtre disparaître derrière les flots.

La nuit passa calmement. Cette histoire « d'autres hommes de Ptolémée » travaillait Rose. Elle n'osait pas en parler avec Victoria, de peur de la faire paniquer. Elles allaient s'en sortir. Afin de ne pas se faire reconnaître, Matthieu et Stan réussirent à obtenir deux équipements de légionnaires pour Liam et Oscar. Le plan principal fut établi : Victoria et Rose entreront dans le temple où se déroulent les festivités, puis les quatre garçons. Personne ne doit savoir qu'ils sont venus ensemble. Victoria et Rose auront pour objectif d'atteindre la pièce où César festoiera. Stan, Matthieu, Oscar et Liam devront rester dans la cour principale. Les légionnaires seront armés, et devront surveiller qu'aucun individu suspect n'approche les messagères.

Les quatre amis partirent sur une felouque en direction de Memphis dès l'aube. La traversée du Nil fut longue, ils arrivèrent vers seize heures. Le plan est en action. Victoria et Rose, vêtues de tenues de fête pour l'occasion, se dirigent vers l'entrée du temple. À l'intérieur, de la musique est jouée, et des danseuses interprètent leur danse sur une estrade. Spectacle impressionnant et hypnotisant ; des dizaines de personnes, amassés devant l'estrade, les admirent. D'autres dansent et chantent par petits groupes. L'ambiance est agréable et festive. Victoria et Rose mangent quelques confiseries et discutent entre elles comme si de rien n'était. Elles attendent que les légionnaires entrent. Ceci fait, elles commencent à essayer de repérer la pièce où se trouve César. Elles se faufilent discrètement dans la foule afin d'observer chaque recoin de la cour. À l'intérieur des galeries couvertes, des groupes de personnes discutent, boivent et mangent. Les quatre garçons se sont dispersés afin de surveiller une quelconque agitation. Oscar remarque un groupe d'hommes âgés de seize à vingt ans, qu'il avait déjà aperçu au palais de Ptolémée, en train d'épier les messagères. L'un d'eux le remarque, et fait un signe discret à Oscar, auquel celui-ci ne répondit pas.

Les Sables du Temps - Octingenti Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant