𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐗𝐗

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            La sonnerie sonna la fin du cours et réveilla finalement Victoria. La professeure effaça le tableau, éteignit l'ordinateur et autorisa les élèves à quitter la salle. Ceux-ci commençaient à ranger leurs affaires bruyamment, et certains sortaient. Victoria rangea sa trousse et son bloc note dans son sac, le porta à son épaule et quitta la salle à son tour sans se poser de questions. Mais une main l'arrêta au bout du petit couloir dans lequel se trouvait l'entrée du labo. C'était un garçon plutôt grand ; près d'un mètre quatre-vingts, aux cheveux noirs et vêtu d'un sweat gris. Victoria ne le connaissait pas, mais celui-ci lui adressa la parole.

– T'es nouvelle ? Je ne t'ai jamais vu ici, commença-t-il en fronçant gentiment les sourcils.

– Euh, oui je suis arrivée cet été.

Le jeune homme hocha lentement la tête. Il se présenta : il s'appelait Esteban et était en première deux. Il avait pris la triplette maths, physique et sciences naturelles afin de faire des études de vétérinaire. Victoria ne comprenait pas vraiment la raison de cette discussion soudaine avec ce garçon qu'elle ne connaissait même pas. Ils commencèrent à marcher ensemble vers le couloir des premières, tout en discutant.

– Je fais une soirée chez moi samedi soir, tu veux venir ?

Victoria parut surprise de cette invitation. Mais en même temps, c'était sûrement pour cette raison qu'il l'avait abordée. Mais tout de même, la proposition arrivait un peu rapidement : ils ne se parlaient que depuis cinq minutes et ils n'avaient aucun ami en commun. Elle fut réticente à accepter.

– Euh... ça dépend où c'est, avec qui...

– J'habite Valbonne, il y aura des gens du lycée et quelques amis venant de Nice et Cannes.

Esteban ne paraissait pas avoir de mauvaises intentions vis-à-vis de Victoria. Même s'il était grand et plutôt intimidant, il était plutôt souriant, semblait avenant et ouvert d'esprit. Il dégageait une aura positive et un certain charisme. Il n'était pas pour autant attirant, sa coupe mulet et son style atypique devaient repousser un grand nombre de filles. Arrêtés à l'entrée du couloir des premières, ils furent repérés par Rose. Celle-ci les rejoignit aussitôt, et un sourire se dessina enfin sur le visage de Victoria.

– Ah je vois que tu as fait connaissance avec Esteban, déclara Rose.

– Tu le connais ?

– On a été dans la même classe pendant toutes les années du collège, on s'entend plutôt bien.

Esteban sourit à Rose et lui demanda à son tour :

– J'ai proposé à Victoria de venir à une soirée chez moi samedi soir, vous voulez venir toutes les deux ?

Rose regarda Victoria en faisant une moue plutôt ravie.

– Oui, pourquoi pas ! affirma Rose.

– Très bien, je t'enverrai mon adresse par message, conclut Esteban.

Il laissa les deux amies ensemble et entra dans sa salle de classe.

– Mais pourquoi tu lui as dit oui ? la confronta Victoria.

– Oh je me suis dit que, ainsi, tu pourrais faire connaissance d'autres gens du lycée. Et puis c'est Esteban, il est très gentil donc je ne vois pas le problème.

Victoria haussa les épaules.

– Ne t'en fais pas, j'en connais la majorité, ricana Rose ; tu n'auras pas à faire la conversation toute seule.

Elles se dirigèrent ensemble vers leur classe afin de déposer leurs affaires pour le cours suivant. Ensuite, elles se posèrent dans la cour au centre des trois couloirs et se mirent à discuter. Autour d'elles, d'autres élèves papotaient tranquillement dans le brouhaha de la récréation. L'ambiance assez détendue et agréable du lycée plaisait beaucoup à Victoria. Elles s'assirent toutes deux sur un muret bordant le couloir des terminales.

– D'ailleurs Rose, il y avait des gens du voyage dans ton cours ce matin ?

– M'en parle pas ! rechigna Rose. C'était très embarrassant, il y avait Stan et Julia, mais ils ne m'ont pas adressé la parole. Enfin, Stan m'a poliment souri.

– J'ai l'impression qu'ils sont gênés aussi. Surtout s'ils n'ont personne à en parler comme Maia.

– Maia ? Pourquoi elle ? interrogea Rose.

– Julia m'a expliqué qu'elle n'était pas très proche de ses amies et qu'elle avait du mal à entretenir des relations. Ça doit pas être facile pour elle...

– Ah bon ? Pourtant je la vois souvent avec Léa et Chloé.

– Oui, mais elles ne sont peut-être pas si proches qu'on le pense.

– Ah mince... murmura Rose, touchée par la situation délicate de Maia. Et toi, y'avait des gens du voyage dans ton cours ?

– Oui, soupira Victoria. Oscar et Maia, justement. Maia a semblé mal à l'aise quand elle m'a vue. Et Oscar ne m'a même pas remarquée.

Rose réfléchissait mais semblait perturbée. Elle se triturait les doigts en fixant l'arbre devant elle ne dit pas un mot.

– Rose ? Ça va ? demanda Victoria, prise d'un petit rictus.

Rose sortit brutalement de ses pensées.

– Ouais ouais, ça va.

Rose paraissait travaillée par quelque chose. Depuis un moment, Victoria avait remarqué des symptômes d'anxiété chez Rose. Celle-ci se râcla la gorge et proposa à Victoria de rentrer en classe, la pause allant bientôt se terminer. Même si Victoria voulait aider son amie et lui demander d'où ses tocs venaient, elle n'osait pas.

La journée se termina sur les coups de dix-huit heures pour Victoria. Rose avait quitté le lycée aux alentours de dix-sept heures, Victoria devait donc rentrer seule. Elle prit le bus durant une quinzaine de minutes et marcha jusqu'à chez elle. Elle déposa ses affaires dans sa chambre et se rendit dans le bureau où travaillait sa mère. C'était une femme âgée de seulement trente-sept ans, grande et fine. On disait beaucoup que Victoria lui ressemblait, si on ne prenait pas ses cheveux bouclés en compte. Tout comme sa fille, elle avait un visage d'ange ; la peau pale, de doux yeux bleus et des petites taches de rousseur. Sa chevelure châtaine, toujours attachée par une pince, la différenciait de sa fille. Mais autrement, elles se ressemblaient comme deux gouttes d'eau. Face à son ordinateur, les lunettes sur le nez et les sourcils froncés, elle semblait concentrée dans son travail. Victoria toqua à la porte ouverte du bureau. Sa mère sursauta légèrement et se tourna.
– Ah tu es rentrée ! Comment s'est passée ta journée ? demanda-t-elle à sa fille.

– Plutôt bien... j'ai quelque chose à te demander.

Sa mère plaça ses lunettes sur sa tête et fit signe à Victoria de continuer.

– Y'a un ami du lycée qui m'a proposé de venir pour une soirée chez lui, à Valbonne.

– Déjà ? Qui est-ce ?

– Tu connais pas, il s'appelle Esteban.

La mère prit une grande inspiration en haussant les sourcils et croisa ses mains.

– Eh bien, je ne vois pas vraiment de raison de refuser. Je te demande juste de ne pas boire ni fumer. Je sais que papy t'as déjà fait goûter toutes sortes d'alcool mais ce n'est pas une raison pour boire en soirée... et encore moins fumer.

Victoria la remercia et l'enlaça tendrement. Elle quitta le bureau et monta bruyamment les escaliers. Elle se précipita sur son téléphone pour envoyer un message à Rose confirmant sa présence à la soirée d'Esteban.

Les Sables du Temps - Octingenti Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant