𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐗𝐕𝐈𝐈

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Il ne leur restait normalement qu'une demi-journée de trajet. Ils partirent juste après l'aube et marchèrent pendant de longues heures. Ayant perdu un dromadaire, une ou deux personnes devaient marcher aux côtés du groupe, car il n'était pas possible d'être trois sur un dromadaire. La journée était chaude et rude, comme toutes les autres. Ils n'espéraient qu'une chose : trouver une oasis et se reposer. Mais avec la chaleur et l'épuisement, ce n'étaient que mirages et hallucinations. Vers les coups de midi, ils virent un énième mirage. Mais pas le temps de se demander si c'en était bien un, il fallait à tout prix qu'ils s'arrêtent, alors ils s'y rendirent. L'espoir les motivait, ils avançaient lentement mais sûrement vers ce qu'ils pensaient être un mirage. Mais étonnement, cette oasis était bien réelle. Niché entre quelques falaises et bordé par une sublime verdure, un petit lac était prêt à les accueillir. Ils s'y installèrent alors pour faire une pause. Ils se rafraîchissaient, faisaient une petite sieste, ou papotaient ensemble. Leurs chameaux s'abreuvaient bruyamment au bord du lac. Exténuées, Rose et Maia étaient allongées et somnolaient. À leurs côtés, Julia avait rempli un petit bol d'eau et buvait tranquillement. Elle observait les alentours, contemplant la beauté de l'endroit. Mais soudainement, elle s'arrêta de boire et se râcla la gorge.

– Mais il manque des gens.

Maia ouvrit un œil.

– Hein ? Qui ?

Julia tourna la tête vers les garçons qui discutaient et riaient à quelques mètres d'elles.

– Il y a nous... Oscar, Matthieu, Liam, Stan... Mais il manque Victoria et Denwen.

Mais cela ne semblait pas la faire réagir. Elle reprit une gorgée dans son bol. Elle marmonna alors :

– Ils doivent être allés chercher un truc.

Mais Rose se redressa brusquement, les yeux écarquillés.

– Attends t'as dit quoi ? Vic et Denwen ?

– Euh, oui... balbutia Julia, ne comprenant pas la réaction de Rose. Pourquoi ?

Rose se gratta le cou.

– Bon, ce ne sont que des aprioris donc évite d'en parler à Vic.

– Oui pas de souci, dis-moi ?

– Cette nuit, lorsqu'on a été attaqués par des bandits, on a pris la fuite avec Vic. On a donc couru le plus loin possible puis on s'est sûrement endormies, je ne me souviens pas trop. Oscar et Denwen sont venus nous chercher plus tard. Mais Denwen a agi assez... bizarrement envers elle.

– C'est-à-dire ?

– Encore une fois on n'est sûrs de rien, je ne veux pas tirer de conclusions hâtives. Mais il était très tactile, semblait beaucoup s'inquiéter pour Vic et elle semblait assez réceptive à tout ça.

Julia haussa les sourcils et esquissa un léger sourire.

– Je le savais ! Je ne sais pas si tu avais remarqué, mais depuis le premier jour où elle l'a rencontré, elle me semblait assez... intéressée par Denwen si tu vois ce que je veux dire.

Rose se mit à rire.

– Oui, je vois très bien maintenant.

***

Main dans la main, Denwen et Victoria s'éloignaient des autres. Le stress montait peu à peu pour Victoria. Le problème n'était pas tant le fait qu'elle n'avait jamais eu de relation amoureuse, mais plutôt qu'elle n'allait jamais revoir Denwen. Elle ne savait pas comment lui avouer, ni même quel mensonge inventer. Après avoir marché quelques mètres ensemble, ils s'arrêtèrent derrière un arbre. Paralysée, Victoria ne dit pas un mot. Denwen lui prit les mains, et s'élança :

– Ma douce Victoria, accepterais-tu que je demande ta main ?

Victoria pris une inspiration, mais ne répondit pas, trop gênée par la proposition. Denwen, embarrassé, reprit :

– Je veux passer le reste de mes jours à tes côtés Victoria, fonder une famille et être ensemble pour toujours.

Il est complètement fou, pensa-t-elle. Victoria rougit et s'efforça de parler.

– Euh... je pense que ça va un peu vite entre nous.

– Vite ? Combien de temps veux-tu encore ?

– Denwen, ce n'est pas une question de temps... enfin si justement.

Denwen commença à relâcher les mains de Victoria, fronçant les sourcils.

– Qu'est-ce que tu veux dire par là ? demanda-t-il.

– On ne peut pas se marier, je ne suis pas d'ici.

– D'où viens-tu ? Je pourrais quitter Alexandrie et vivre n'importe où pour toi.

Victoria n'osa pas répondre. Lui dire qu'elle avait voyagé dans le temps la démangeait, mais on ne savait pas ce que ça pouvait provoquer. Elle tourna la tête et chercha de l'aide du regard, mais les autres étaient trop loin. Denwen ramena délicatement la joue de Victoria vers lui.

– Ton cœur vire vers quelqu'un d'autre ? L'un d'eux ?

– Ah non, certainement pas ! s'exclama Victoria.

Du mouvement dans les broussailles les coupèrent. Victoria fut à moitié soulagée, à moitié inquiète du potentiel danger qui approchait. Denwen se plaça entre elle et les broussailles, prêt à se défendre. Matthieu sortit enfin.

– Bah, qu'est-ce que vous faites ? Il faut qu'on reparte.

Victoria rougit encore plus.

– Je m'apprêtais à marier Victoria, si tu veux savoir, déclara Denwen en se redressant.

Le choc s'empara de Matthieu, et il éclata de rire.

– Quoi ? Marier Victoria ? Mais enfin Denwen...

Victoria le fixait, lui indiquant de ne rien dire.

– Oh pardon... je pensais que c'était une blague.

Il esquissa un sourire gêné, alors que Denwen le fixait, agacé. Matthieu se râcla la gorge.

– Bonheur à vous deux. Vous nous retrouvez dans cinq minutes ?

Et il prit rapidement la fuite.

***

Matthieu revint en courant vers le reste du groupe. Essoufflé, il annonça :

– Denwen veut marier Victoria !

Tous furent stupéfaits.

– Marier Victoria ? s'exclama Rose.

– Mais elle a dit quoi Vic ? demanda Julia.

– J'en sais rien, elle paraissait vraiment gênée.

Tous furent surpris et confus.

– Et pourquoi tu l'as pas aidée ? reprit Julia.

– J'ai cru que Denwen allait m'éventrer si je restais une seconde de plus.

Incapables de dire un mot et de bouger un muscle, aucun n'alla aider Victoria.

Ils quittèrent finalement l'oasis quelques minutes après comme si de rien n'était. À nouveau, la fin de journée ne se résuma qu'à marcher des kilomètres et des kilomètres d'affilée sur le dos d'un dromadaire. Mais contrairement à la dernière fois, l'ambiance était plus conviviale. Ils s'étaient à présent tous pardonnés, et promis de communiquer dans la transparence pour chaque problème. S'il y a bien quelque chose que ce voyage leur aura appris, c'est vivre ensemble et prendre en compte l'avis et les besoins de chacun, mais aussi s'accepter tous comme ils sont et s'adapter aux situations.

Le soleil brûlant et les blessures de chacun les épuisaient petit à petit, mais le point d'arrivée approchait. Ils croisaient d'autres voyageurs, quelques installations abandonnées du bord du désert, puis se rapprochèrent du Nil. À partir de ce moment, ils virent des paysans, des habitations, quelques felouques naviguant sur le fleuve et des animaux tels que des hippopotames ou des crocodiles. Un sentiment de soulagement vint apaiser le groupe, enfin arrivé à Thèbes.

Les Sables du Temps - Octingenti Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant