— Je suis désolé, mais comme tu n'as pas pu changer tes horaires de travail, ça va être compliqué pour moi de te garder. J'espère que tu comprends.
Nous étions mercredi soir et je me trouvais face au chef d'orchestre. Sur son visage, un air fatalement déçu et attristé. Sur le mien, l'horrible surprise de réaliser que je venais tout juste de me faire virer.
— Je comprends, lui répondis-je en baissant la tête. J'aurais aimé que ça se passe autrement.
Je comprenais, oui. Mais j'avais mal. Perdre ma place ici était un réel déchirement. Au-delà de l'amour pour la musique qui m'avait fait rester, il y avait forcément l'aspect financier qui pesait dans la balance ; ici, j'étais payé, et quand bien même ce n'était pas grand chose, c'était toujours de l'argent en plus pour m'aider à boucler les fins de mois.
J'aurais pu tenter de négocier avec le chef, prétextant que j'allais essayer à nouveau de convaincre mon responsable de me laisser quitter plus tôt les mercredis, mais je savais très bien que Seokjin refuserait. Je lui avais déjà demandé, et c'était perdu d'avance. Lorsque j'étais allé lui faire part de ma requête, il m'avait simplement toisé de ses yeux menaçants, avant de me dire qu'il ne changerait rien et que c'était à moi de m'adapter si je voulais garder mon emploi. Malheureusement je ne pouvais pas me permettre de le perdre, sans quoi je me retrouverais à la rue. Alors j'avais cédé et j'étais venu en parler à mon chef d'orchestre après la répétition.
— C'est moi qui le suis, Jungkook, tu étais un très bon élément.
Étais.
C'était difficile à encaisser, mais je n'avais pas d'autre choix que d'accepter mon sort : j'étais congédié. Le chef avait été clair : si je ne pouvais pas honorer les rendez-vous hebdomadaires, ça ne servait à rien de venir. Et il avait raison. Pourquoi me payer si je ne venais qu'une heure sur deux et qu'ils ne pouvaient finalement jamais être sûrs de pouvoir compter sur moi ?
Je lâchai un soupir avant de m'incliner.
— Merci pour cette expérience, monsieur. Et merci de m'avoir donné ma chance.
— C'était un honneur de t'avoir parmi nous. Si jamais tes horaires se libèrent et que personne ne s'est proposé pour prendre la place que tu laisses vacante, n'hésite pas à revenir.
J'essayai de lui adresser un sourire sincère, mais je sentais mon cœur se froisser d'amertume.
Ce n'était pas que l'orchestre, le souci. C'était tout ; mon travail, la méchanceté de Seokjin, sa responsabilité dans le fait que je venais de me faire virer et l'absence de Yoongi. Mais aussi Yejun, mon concours qui arrivait trop vite, le peu de temps qu'il me restait pour m'y préparer et mes sentiments naissants pour monsieur Kim que j'avais décidé de refouler... J'avais l'affreuse impression que tout se cassait la gueule. Comme si j'étais en équilibre sur le bord d'une falaise et que la chute était inévitable. Sous mes pieds, la roche était en train de s'effriter. Je me sentais perdu entre une réalité qui me faisait mal et un malaise intérieur que je ne savais pas calmer.
— Je n'y manquerai pas...
Mais je savais déjà que je serais dans l'incapacité de revenir. C'était une fatalité contre laquelle je ne pouvais pas lutter.
— Eh bien il ne me reste plus qu'à te souhaiter une très bonne continuation.
— À vous aussi. Bon courage pour les concerts qui se préparent.
Il posa sa main sur mon épaule en plissant les lèvres d'un air navré, puis la tapota comme pour me dire "je dois y aller, petit", avant de m'abandonner là. Je restai immobile quelques instants, les yeux fixés sur le sol, le souffle un peu court.
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PAPER HEART { tk } sous CONTRAT D'ÉDITION
FanficDepuis la mort de son petit-ami il y a trois ans, Jungkook survit comme il le peut tout en cumulant travail et orchestre pour se faire un peu d'argent. Violoncelliste de talent, parti de son école de musique avant d'avoir pu y passer son diplôme de...