19. l'effet boule de neige

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— Je t'emmène quelque part.

Monsieur Kim avait prononcé ces mots comme on annonce une sentence implacable, d'un ton ferme et décidé. Pourtant, je ne pus m'empêcher d'y voir là une envie de sa part de m'aider. Ce n'était pas un ordre, quand bien même l'intonation de sa voix était grave et dure, c'était juste sa manière de vouloir me porter secours, je crois, et cela me fit du bien. Je m'étais montré à lui comme je n'avais encore jamais osé le faire jusqu'à présent, et il avait saisi ma détresse sans que je n'eus à mettre des mots dessus. Il avait assisté à l'explosion, à une petite part de l'explosion, et il avait su une fois encore comment maîtriser le volcan qui menaçait d'entrer en éruption. Il avait été comme un rocher sur lequel j'avais pu m'appuyer alors que je me sentais tomber. Une bouée au milieu de la mer chaotique de mes débordements. Il avait contenu les bourrasques. Il m'avait apaisé.

Sa présence me rassurait au-delà de ce que j'étais véritablement prêt à accepter, et je crois qu'au fond j'étais décidé à le suivre n'importe où, à condition qu'il s'y rende avec moi.

Emmenez-moi où vous voulez, monsieur Kim, mais ne me laissez pas.

Alors que je le dévisageai probablement avec un air un peu surpris, il baissa la tête et s'empara de son téléphone, portant toute son attention sur ce dernier. Sans son regard, je me sentais couler, ainsi je m'accrochai à ses gestes pour ne pas perdre totalement pied. J'étais en train de redescendre doucement, et la fureur que j'avais ressenti en arrivant se calmait pour laisser place à un vide que je comblais par sa présence.

Il se mit à pianoter sur son écran en se mordillant la lèvre, et lorsqu'il rangea enfin son mobile, j'osai le questionner.

— Où ça... ?

Oui, où allions-nous ? J'avais besoin de le savoir, quand bien même je l'aurais suivi n'importe où. Après un long silence, il prit enfin la parole.

— Nous partons chez mes parents, à Jeju.

Quoi ?

Chez...

— Chez vos parents ?

— Chez mes parents.

— À Jeju...?

— C'est bien ce que j'ai dit, oui.

Mais pourquoi ? Et pourquoi là-bas ? Je ne connaissais même pas encore réellement monsieur Kim et j'allais rencontrer ses parents ? C'était si surprenant que je ne sus quoi répondre, le cœur encore sous le choc de ce qui venait de se passer et l'esprit un peu déconnecté. J'étais tiraillé entre le besoin de comprendre ce choix, et la fatigue émotionnelle qui me poussait à suivre le mouvement, sans poser plus de questions. Il ne me laissa de toute façon pas réellement le loisir d'ajouter quoi que ce soit, car déjà il s'éclipsait jusqu'à la chambre avant de revenir avec une valise bouclée. 

Moi, je posai le verre vide sur le meuble de l'entrée et récupérai simplement mon violoncelle en silence, le replaçant sur mon dos.

Monsieur Kim n'était pas du genre très bavard et moi je crois que j'étais trop épuisé pour tenter de parler. Troublé, mais épuisé. Alors j'attendis, l'observant enfiler son manteau et ses chaussures en quelques bruissements feutrés.

— Après toi.

J'obtempérai et franchis le seuil de sa porte après qu'il l'eut ouverte en attendant que je passe le premier. Je me sentais étrangement rassuré de savoir qu'il prenait les choses en mains et impatient à l'idée de vivre quelque chose de nouveau en sa compagnie. Nous ne nous étions fréquentés que dans des milieux professionnels ou chez lui, pour jouer, mais jamais en dehors. Enfin si, au bar lorsqu'il m'avait calmé, et cette nuit-là, lorsque je l'avais appelé en panique en sortie de boîte de nuit. 

PAPER HEART { tk } sous CONTRAT D'ÉDITIONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant