11. désillusion

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La porte de la salle se referma derrière moi, et je restai figé dans le couloir.

C'était lui.

L'inconnu du bar dont l'odeur était restée collée à ma mémoire sans s'en déloger, c'était monsieur Kim. Aucun doute n'était possible, j'aurais pu reconnaître cette senteur entre mille. Pourtant, mon esprit refusa d'assimiler que l'homme qui m'avait calmé ce jour-là puisse être le même que celui qui m'avait irrité au concert, puis poussé dans mes retranchements ce soir. Je ne voulais pas faire le lien, rien ne concordait, rien ne s'emboîtait correctement.

Au bar, il avait été prévenant, avait établi un contact pudique avec moi, m'avait tranquillisé comme on apaise un animal sauvage. Il avait su quoi dire, il avait su quoi faire, et tout ce qui me restait en tête au-delà de son odeur, était la froideur agréable de ses mains contre mes joues en feu. Au concert de Noël, il avait été impassible, distant, blessant, et m'avait ridiculisé en mettant le doigt sur ma fausse note plutôt que sur le reste de ma prestation. Enfin, ce soir, il s'était dévoilé irritant et passionné, et m'avait poussé à creuser en moi pour faire jaillir un feu d'artifice d'émotions nouvelles. Je n'y comprenais plus rien. Il était une énigme bien trop vaste à décrypter.

Toujours dans le couloir, la porte dans mon dos, je ne pus me retenir de me mordre la lèvre en composant le numéro de Jimin. Il m'avait fait promettre de le tenir au courant, mais je n'avais pourtant aucune envie de lui raconter ce qui venait de se passer. Je me sentais encore trop ébranlé pour parvenir à décrire ce que j'avais éprouvé, et c'était mille fois trop intime pour le verbaliser. J'avais goûté à nouveau à la flamme que je croyais ne plus brûler en moi, mais je me sentais aussi honteux de m'être laissé aller à tant de fougue face à un parfait inconnu.

Après deux sonneries, résonnèrent alors dans mon téléphone une musique tonitruante et des voix que je ne reconnus pas. Jimin s'égosilla soudain.

— ALORS ?? Comment ça s'est passé ? S'il t'a dit encore de vilaines choses, je te jure que je traverse Kangjon à mon prochain cours de danse pour aller lui arracher les dents et m'en faire un collier !

Je ne pus me retenir de lâcher un rire en écartant le téléphone de mon oreille pour me préserver du bruit, avant de secouer la tête tandis que je descendais désormais les escaliers pour sortir du bâtiment. Les couloirs étaient déserts, et Laurent n'était pas ressorti de la salle.

— Non. Il n'a rien dit, rassure-toi. Il m'a fait jouer.

— Il a quoi ? HOSEOK TAIS-TOI ! J'ENTENDS RIEN DE CE QU'IL DIT !

— J'ai dit, il m'a fait jouer. Vous êtes en soirée ?

— On est sorti boire un verre pour décompresser avant le spectacle de danse qui arrive bientôt, tu nous rejoins et tu nous racontes tout ça ?

— C'est gentil, mais je suis fatigué. Amusez-vous sans moi, ok ?

— OKAY, JAYKAY !

Je regardai l'heure. Il n'était pas encore vingt heures et Jimin était déjà bourré. Est-ce que je m'inquiétais ? Oui. Est-ce que c'est ce qui me décida à aller les rejoindre ? Presque. J'avais en moi des choses que j'avais du mal à encaisser et j'avais besoin d'aller me changer les idées, moi aussi. Depuis la soirée avec Yoongi, je n'étais pas ressorti. C'était peut-être l'occasion.

— Bon, commandez-moi un coca, j'arrive.


***


La soirée se déroula sans encombre, cette fois. Pas de bagarre, pas d'alcool pour moi, et en plus de m'être aéré l'esprit, j'avais fait deux heureux : Hoseok et Jimin n'étaient pas sortis avec moi depuis trois ans maintenant, et les sourires qu'ils affichèrent en me voyant entrer dans le bar me firent comprendre que j'avais pris la bonne décision.

PAPER HEART { tk } sous CONTRAT D'ÉDITIONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant