Chapitre 21

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Stiles ne savait pas vraiment ce qui lui prenait à se dire qu'il avait une chance de fuir alors qu'il savait pertinemment que c'était fichu. A vrai dire, il ne pensait même pas pouvoir s'éveiller ou rouvrir les yeux jusqu'à ce qu'il ait fini par le faire. Et même s'il avait mal, si corps et esprit étaient plus lourds que jamais, Stiles arrivait plus ou moins à penser, à réfléchir. A être lucide. Il se savait en grand danger, à deux pas de la mort. A l'intérieur, quelque chose le rongeait – sans doute ce qu'on l'avait forcé à boire. Ça le brûlait, ça le tuait.

Mais Stiles se connaissait et s'il était seul... Il n'allait pas attendre ici que la mort vienne le cueillir. Qu'elle débarque à bras ouverts ou non, il n'avait pas la moindre intention de la laisser faire son travail de cette façon.

Parce qu'il n'était pas comme ça, pas du genre à se laisser faire.

On lui avait toujours dit qu'il était chiant, emmerdant, toujours à bouger, sans arrêt. Ce qui était un défaut pour certains allait lui servir pour d'autres. Stiles ne savait toujours pas exactement ce qu'on lui voulait, mais il n'avait pas la moindre intention de faciliter la tâche à ces loups de malheur. La respiration lourde, il eut un mal fou à décoller son ventre de la terre. La brise fraîche de la nuit le fit violemment frissonner, passant sur sa peau aussi doucement que la lame d'un couteau. Stiles eut d'ailleurs l'impression de sentir son propre sang couler sur son corps. Mais du peu qu'il y voyait, il n'y avait rien. Une chose était certaine, il avait froid. Constata qu'il était nu. Afficha un air interdit. Réprima aussitôt la nuée de questions qui montait lentement en lui. Depuis son réveil, tout avait l'air ralenti.

Était-ce réellement le moment de s'interroger ? Stiles tourna la tête. Pas un loup à l'horizon. Il ne savait pas pourquoi il se trouvait là, mais il se doutait bien qu'on l'avait laissé ici dans le but de revenir le chercher rapidement.

Alors, il n'avait pas de temps à perdre. Quelques minutes pourraient lui suffire à les emmerder. En cet instant, Stiles ne pensait qu'à leur mettre des bâtons dans les roues. La peur, la douleur, les traumatismes qu'on lui avait causés... Tout ça, il n'y pensait pas pour le moment, pour la simple et bonne raison qu'il était lui... En partie seulement. C'était la partie froide et pragmatique de son cerveau qui agissait, celle qui ne cherchait qu'à lui permettre de survivre.

Stiles vivait une forme de dissociation.

Parce que tout ce qu'il avait vécu était trop dur pour qu'il puisse agir sans l'aide précieuse de ce mécanisme qui témoignait de la façon dont on l'avait traité. Survivre, voilà le maître-mot de ce mécanisme. La partie logique du jeune homme se disait que la survie était un objectif un peu trop ambitieux pour être réellement atteignable, mais elle lui permettait de se concentrer sur un but précis pour s'assurer de faire perdre du temps à ces loups. Une ligne directrice pouvait beaucoup aider à traverser le brouillard.

Stiles se leva péniblement et ne put que notifier sa faiblesse. Tout son corps lui faisait mal – il le tiraillait de tous les côtés. Ses jambes tremblaient. Il respirait vite, de manière saccadée. Paradoxalement à tout cela, il se sentait calme. Dissocié de sa réalité, ancré dans un monde quelque peu robotique où sentiments, émotions et états instables étaient bannis tant qu'il était en danger. Sans doute retrouverait-il l'usage de la partie émotionnelle de son être une fois aux portes de la mort... Un évènement qui n'allait pas tarder, c'était certain.

Stiles n'irait pas jusqu'à dire qu'il était prêt, mais avoir conscience de tout cela l'aida momentanément à appréhender le moment.

Ainsi, il s'éloigna lentement de l'endroit où Logan l'avait laissé. Au départ, il ne savait où aller, mais quelque chose le poussa à trouver la falaise, celle où il allait parfois, ce point majestueux qui rendait la ville plus belle à regarder. C'était un endroit simple et calme... Où il ne faisait toutefois pas bon d'aller si l'on avait vu ou que l'on n'avait pas un assez bon équilibre. Certains avaient tendance, dans ce cas-là, à s'approcher d'un peu trop près du bord et survenait généralement un drame. L'accès n'y était toutefois pas limité étant donné que le nombre de chutes n'était pas si alarmant que cela – la mairie avait également d'autres chats à fouetter mais ça, c'était une autre histoire. Ainsi, Stiles put lentement mais sûrement s'en approcher et finalement y arriver au bout de quelques minutes.

L'Emissaire PrimordialOù les histoires vivent. Découvrez maintenant