Prologue

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Yseult

Couchée sur le plancher de ma chambre, je regarde les nuages qui passent par la fenêtre, tout en tirant sur ce joint qui est devenu mon seul ami. Je ne sais pas quel jour nous sommes, ni même si nous sommes le matin ou l'après-midi. Moi, dans cette grande chambre qui ne me correspond en aucun cas, je n'aspire qu'à en finir une bonne fois pour toute. Mes poignets ont tellement de cicatrices, que je me demande, comment ils font pour encore bouger... Moi, en tout cas, je n'ai aucune volonté de me mouvoir, ailleurs que sur ce plancher... Un endroit qui me rappelle ceux que j'ai perdu sur le plancher de ma chambre à Boulder. Un relent s'échappe de ma gorge, et je pose le joint sur le cendrier, le temps que cette douleur acide passe...

Depuis ce jour, je ne pense pas avoir songé à autre chose que son regard... Il souffrait et me suppliait à la fois de lui pardonner. Mais ce n'est pas lui qui a commis une erreur cette nuit-là... ce n'est quoi moi et toujours moi...

Je ne pleure plus depuis un moment, comme si mes larmes s'étaient asséchées. Je suis responsable de chaque malheur de ma vie, et cela depuis la mort de nos parents. Je tends ma main à nouveau vers le joint qui s'est éteint, et je le rallume en me mettant sur le dos, regardant le lustre de Crystal au-dessus de moi. S'il pouvait me tomber dessus et en finir avec moi... Mais j'ai l'impression que même la mort ne veut pas de moi. Je tire une bonne bouffée sur le joint en l'allumant et je referme les yeux, grimaçant une fois de plus, de le voir devant moi. Un rêve... un mirage... un cauchemar qui me revient sans cesse, et qui me rappelle à quel point, je suis seule.

Mon cœur me fait mal, et je ne peux que le laisser faire. Je suis responsable de ma douleur, et j'en paye le prix chaque jour en respirant. Un air malsain qui entre chaque fois dans mes poumons, mais qui n'efface absolument rien de ma souffrance. Je suis tellement fatiguée d'être en vie, et tout ce que j'aspire à chaque instant, c'est de le rejoindre. Je veux mourir et m'excuser auprès de lui, de ne pas lui avoir fait confiance, et d'avoir causé sa perte à un monde qui méritait de l'avoir. Ce jour-là, sur la falaise, j'aurais dû simplement sauter... j'aurais dû me laisser aller simplement dans le vide... j'aurais évité de briser une vie qui ne voulait que m'aider... Mais voulais-je vraiment être aidée ?

_ Qu'est-ce que tu fais ?! S'écrie la voix de Mi-Cha, et j'entrouvre les yeux, complètement brouillée de l'air impur de ma chambre.

_ Lève-toi ! Carlson t'a demandé de t'habiller pour le diner ! S'exclame-t-elle en m'attrapant fermement par les bras pour m'assoir.

_ Je n'ai pas faim. Grommelé-je en libérant mon bras, et secouant la tête tel un pantin.

_ Tu vas venir manger ! Carlson m'a demandé de m'occuper de toi, alors lève-toi !

Je me retrouve debout, et je me mets à sourire, appuyée sur elle en regardant l'oiseau qui passe par la fenêtre.

_ S'il n'y avait pas les barreaux, je m'envolerais avec toi. Murmuré-je.

_ Et tu t'écraserais comme une merde ! Quand vas-tu arrêter de dire ce genre de bêtises ?! Me sermonne Mi-Cha comme toujours, alors qu'elle fait couler la douche.

Voyant que je reste appuyée contre le meuble de la salle de bain, sans prendre la peine de me déshabiller, elle revient sur moi pour le faire. Mi-Cha est devenue comme ma matrone. Celle qui s'occupe de la pauvre Yseult, blessée et meurtrie, qui ne rêve que de mourir. Je ne sais pas combien de fois, comme si elle le sentait, celle-ci est arrivée dans la chambre pour me sauver, littéralement,

la vie. Elle ne comprend pas... et pourtant, elle devrait être la première à vouloir ma mort, pour avoir causé la sienne...

Et pourtant, Mi-Cha se contente de me nourrir de force, de m'apporter ce qu'il faut pour que je me tienne calme, et de temps en temps, elle vient pour me tenir compagnie. Elle ne fait que rester sur le fauteuil, tout comme le faisait Lloyd dans ma chambre, et elle me regarde me défoncer littéralement avec l'alcool et la poudre que je peux avoir de temps en temps. Là, par exemple, je ne dirais pas non pour un cocktail qui m'explose. Car ce sont bien ces diners avec lui, qui me rendent plus que malade. La haine, et la souffrance que je ressens en moi pour lui, ne font qu'augmenter à chaque fois que je le vois. Tout comme mon envie de mourir est plus forte quand je rentre dans cette chambre. Il a tué Vince... Il a tué le seul homme qui méritait de vivre dans cet appartement.

Je me mords la lèvre, alors que Mi-Cha achève de me rincer, avant de me sortir de la douche pour m'essuyer. Je me laisse faire, je ne montre aucune volonté dans le moindre de mes muscles, et elle soupire en parlant coréen. Ce qui doit ressembler à un tas d'insultes... Mais je m'en fiche... je ne ferai aucun effort... ni pour elle, ni pour lui... Je rêve juste du moment où mon cœur s'arrêtera pour du bon. Mi-Cha me met une longue robe noire, décolletée, telle une pute. C'est ce que je serai

bientôt... Après tout, je n'ai toujours pas compris la raison pour laquelle, il m'a emmenée. Et si c'est pour que je devienne son jouet, comme je l'étais pour mon défunt frère, je ferai tout pour que la prochaine fois, ces gouttes de sang soient les dernières que je verserai...

Nous quittons ma chambre pour rejoindre ce qui sera pour moi ; la fin de mon innocence et le début de ma fin... 

Save MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant