L'appareil photo

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Yseult

Je regarde par la fenêtre, frissonnant encore de ce qui s'est passé tout à l'heure dans la piscine ; mais qu'est-ce qu'il m'a pris au juste ?! Je deviens au fil des jours, tout ce que je déteste, faisant des choses qui me répugnent intérieurement, mais qui, étrangement me viennent à l'esprit de façon si simple... Je soupire en entendant la porte de la chambre s'ouvrir, et j'aperçois le reflet de Mi-Cha dans la fenêtre, ce qui ne me dit rien qui vaille.

— Que dirais-tu de sortir un peu ? Je suis certaine que ces collines doivent te rappeler Boulder, où tu es née.

— Cela n'a rien à voir...

— Ne joue pas la difficile, me lance-t-elle un peu exaspérée de mon attitude, tu veux sortir ou pas ?

J'inspire doucement par le nez, regardant la vue que j'ai de la chambre, et pensant que c'est peut-être l'unique fois, où je pourrai fouler de mes pieds, les endroits que mon père appréciait tant. Je finis donc par me laisser emmener par Mi-Cha le long du sentier de la maison, et je frissonne en sentant la brise se porter dans mes cheveux les envolant. Un souvenir des plus douloureux s'impose à moi à cet instant... ce n'est pas qu'un... mais deux... Le souvenir de mon père qui me faisait remarquer que je devrais les attacher, tout comme celui de Vince, qui me mettait sa casquette, plongeant son regard chaleureux dans le mien. Une douleur atroce se porte à nouveau dans ma poitrine, et je me mets à haleter comme toujours. M'agenouillant sur le sentier, je sens la main de Mi-Cha se poser sur mon épaule, et je me redresse, comme si le diable venait de me toucher.

— Je vais redescendre. Je n'aime pas vraiment la nature, me fait-elle, et puis, je dois prendre le prochain bateau pour Seoul.

— Tu me laisses seule ?! m'exclamé-je ahurie.

Mi-cha relève un sourcil de façon amusée, et je comprends que nous n'avons jamais été seule depuis le début. À quoi devais-je m'attendre de leur part ? Car à quelques mètres de nous, se trouvent deux hommes qui nous scrutent, derrière leurs lunettes de soleil.

— Sois sage pendant mon absence ! me lance Mi-Cha en me faisant un signe de la main.

Je la regarde reprendre le sentier en sens inverse, me demandant si elle est consciente qu'à n'importe quel moment, je peux sauter de là-haut. Ces hommes sont assez loin, et j'aurai tout le temps de mettre fin à ma misérable vie, ici, sur la terre que mon père aimait tant, et où l'homme de ma vie est venu au monde. Ce sentiment en moi à cet instant, devient mon unique pensée, en me détournant de Mi-Cha, et regardant le haut de la colline, où tout mon être semble m'appeler. Et alors, que je monte de plus en plus haut, tout mon être se sent apaisé, comme s'il se rendait compte que nous allions enfin rejoindre les gens qui nous sont chers. J'ai passé tellement d'heures à espérer cet instant, que je suis plus que sereine quand j'arrive au sommet. Remettant doucement mes cheveux, qui volent le long de mon visage, j'admire la vue majestueuse qui se pose devant moi.

— Papa, je vois pourquoi tu aimais tant cela...

Les larmes qui coulent sur mon visage à cet instant, sont des larmes de bonheur, à l'idée que j'ai pu enfin vivre un des rêves que papa voulait pour moi. Car même s'il n'est pas physiquement avec moi... il est partout autour de moi, dans cet endroit où il est tombé amoureux de ce pays, de leur plat, de leurs coutumes... mais moi, ce pays qui hantait tant mes nuits durant des années, n'est autre que celui où je me libèrerai de toute ma souffrance...

Avançant doucement vers le bord de cette falaise où je me trouve, je porte ma main sur ma poitrine, respirant profondément, sachant que je vais enfin retrouver ceux que j'aime. Le vent se lève, et je tends mon pied dans le vide...

Save MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant