Abandonner

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Carlson

Je claque la porte de la chambre, et je porte mes doigts crispés autour du cou de Mi-Cha. Je me répugne de lui faire une telle chose, elle est bien la seule à qui je ne pensais jamais lever la main dessus. Mais elle savait en faisant cela, qu'elle me mettrait hors-de-moi, et que je ne saurais laisser passer une telle chose. Mon regard flamboyant de haine pure, je fais grincer l'émail de mes dents en la soulevant du sol, alors qu'elle ne se défend aucunement.

— Te rends-tu compte de ce que tu as fait ?! grommelé-je, tu savais qu'elle ne devait pas le savoir. À quoi penses-tu jouer ?!

Mi-Cha tient mon regard, alors que mon bras se tend vers le haut, l'emmenant avec lui, et pas un seul instant, je ne lis la moindre peur dans ses petits yeux noisette. Son regard est crispé par la douleur que mes doigts exercent autour de son cou, mais je ne vois aucune frayeur dans ses iris qui devraient n'être illuminés que de cela. Bien entendu... elle sait mieux que quiconque, à quel point ce que je fais me rend malade. Je lui ai promis que jamais je ne lui ferais du mal, mais à la condition qu'elle ne me trahisse pas. Et en racontant à Yseult que cet enfoiré était en vie, elle a mis à néant tous mes plans, et mes chances de créer le moindre lien dans le futur avec ma sœur. Et pourtant, malgré la haine qui me submerge, les battements de mon coeur qui me font mal comme jamais, ne me pousse qu'à une chose... la relâcher...

Mi-Cha tousse, laissant son corps tomber sur le sol, et se tenant la gorge que je serrais dans mes doigts bouillants de rage. Je me détourne d'elle, et j'attrape dans ma colère la chaise devant son bureau pour la faire exploser contre le mur.

— Donne-moi une bonne raison de ne pas t'offrir à mes chiens ! claqué-je en revenant sur elle.

— Tu ne supporterais pas que quelqu'un d'autre que toi me fasse jouir, me répond-elle d'un aplomb qui me surprend.

Même après tant d'années à mes côtés, sachant ce que je suis capable dans mes accès de colère, Mi-Cha me répond avec cet air hautain qui m'a fait la vouloir pour moi, et qui finira par être ma perte si je la laisse faire. Je passe la main dans mes cheveux, avalant cette envie de lui faire voir à quel point, je peux la faire jouir dans la douleur, et son regard se lève sur moi, sans peur.

— Yseult sait qu'il est vivant... mais elle sait aussi qu'il l'a abandonné, me dit-elle en se relevant, tu ne vois pas que j'ai brisé un lien important entre eux ?

Je la regarde, ahuri de ce qu'elle vient de me dire. Elle a vraiment calculé son coup comme toujours, et je laisse tomber enfin mes épaules crispées, souriant tel un diable devant elle.

— Tu es encore plus dangereuse que moi, souris-je toute haine disparue en l'attirant d'un geste brusque contre moi.

— Tu n'as pas idée, sourit-elle avant que je ne conquière sa bouche...

Yseult

Je n'arrive pas à allumer mon joint, mon regard étant tellement brouillé par les larmes. Cette vérité est pire que sa mort elle-même, et je n'arrête pas de vomir de la bile dans la cuvette des toilettes depuis que je suis dans ma chambre. Moi qui pensais qu'il était mort à cause de moi... moi qui me flagelle depuis des mois, me maudissant de ce qui est arrivé ce jour-là... je ne peux pas croire que je sois aussi naïve pour avoir cru qu'il m'attendait là-haut, me regardant de son regard illuminé et chaleureux, me poussant à vouloir continuer cette vie misérable. Je suis trop stupide pour penser que tous ces hommes ne sont que les mêmes... leur intérêt passe avant tout... je n'étais qu'un jouet dans ses bras, qu'on peut échanger quand on ne le veut plus.

— Merde ! hurlé-je en balançant ce foutu briquet et le joint sur le sol de la salle de bain.

Je frotte ses foutues larmes de dégout qui coulent de mes yeux... ces yeux qu'il aimait soi-disant plus que tout, mais qu'il a abandonné sans aucun état d'âme. Ma poitrine me brûle, comme si je revivais cette nuit atroce où je me suis réveillée seule, sans lui. Cette nuit où j'ai réalisé que je ne causais que la mort autour de moi, et que j'aurais dû mourir aussi. Je ne suis rien, et je ne serai jamais rien pour personne !

Save MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant