Destins liés, 3. Les jumelles Alpha

Encore nous !

June

Assise dans mon bureau, au cinquième et dernier étage de la maison de la meute, j'observe le paysage par la fenêtre. La grande baie vitrée donne sur la rue en contrebas.

Mes parents ont bâtis tellement de choses... à partir de rien.

Rien que cette maison de meute, qui n'était qu'un simple petit immeuble, au commencement, est aujourd'hui le quartier général d'un petit empire urbain.

Le bâtiment d'en face est aussi à nous. Il est divisé en pluisieurs sections comprenant la maison de mes parents, nos appartements à ma sœur et moi, ainsi que ceux de nombreux membres de notre communauté.

Au rez-de-chaussée, l'Angelo. Notre restaurant mythique s'est agrandi, mais n'est plus un business, dorénavant.

Il a bien aidé à faire fructifier la meute par le passé mais sa mission principale, désormais, est de faire profiter à tous de repas en commun dans un lieu chaleureux en échange d'un service rendu à la meute, selon les compétences ou les savoir-faire de chacun.

Tout fonctionne ici aujourd'hui de la même manière qu'une meute traditionnelle. Une communauté solidaire et organisée. Nous veillons sur les uns et les autres et apportons tous notre pierre à l'édifice, chacun contribue à sa façon.

Le Drift est resté le lieu de fête et de divertissement dont nous avons tous besoin. La maison de la meute est au-dessus.

Comme Nonno l'avait pensé à l'époque, nous avons fusionné plusieurs étages pour la réaliser.
Le rez-de-chaussée est un grand espace ouvert sur les étages en mezzanine qui le surplombent. Tout est ouvert et communicant, les façades sont entièrement vitrées pour pleinement laisser la lumière envahir l'espace.

Personne n'est véritablement isolé, à part dans les bureaux des chefs, ou les chambres.
Tout est en bois clair et décoré sobrement avec des couleurs douces. Ma mère a voulu rendre cet endroit lumineux et apaisant. Pour contraster avec la maison de mon père et Nonno à l'époque de leur rencontre, qu'elle trouvait sombre et triste.

Nonno ne travaille plus depuis longtemps. Il se fait vieux, fatigué et fragile. Il a ses quartiers ici, pour être toujours avec nous. Nos anciens vivent tous à la maison de la meute pour qu'on puissent tous veiller sur eux.

Grand-père William nous a quitté peu après le décès de ma Grand-mère Isadora, il y a quelques années.
Lui, n'a pas supporté la perte de sa compagne. Il était trop vieux pour s'en remettre, contrairement à Nonno qui a vécu ce drame assez jeune pour y survivre, même s'il est resté fortement abîmé.

Maman a eu du mal à traverser cette épreuve. Elle n'arrivait pas à rester éloignée de mon père ne serait-ce qu'une heure ou deux, pendant plusieurs mois. Mais, Papa était content de pouvoir lui apporter du réconfort, rien qu'en restant près d'elle.
Alpha ou non, un loup reste dévoué à sa compagne avant tout, et heureux de l'être.

Nous œuvrons, Chiara et moi, dans les bureaux de nos parents. Ils sont identiques et l'un à côté de l'autre. La cloison qui les sépare se rétracte si on le souhaite. Chiara aime bien laisser sa porte ouverte, mais moi, je cherche plus souvent la solitude. J'ai parfois besoin de réfléchir dans mon petit coin... comme aujourd'hui.

Nous n'avons pas encore le titre d'Alphas.
Nos parents nous jugent encore trop jeunes et inexpérimentées, ce que je concède. Nous sommes donc en train d'apprendre à leur côté. Ils nous laissent carte blanche sur la manœuvre, tout en supervisant. Nous devons faire nos preuves.
J'adore ce rôle.

Ma sœur et moi avons la conviction depuis toujours que nous sommes faites pour l'obtenir et le partager. Comme si nos gènes avaient parlé avant nous.
Jamais nous n'avons mis de concurrence entre nous, il n'a jamais été question que l'une de nous s'approprie exclusivement l'héritage de notre père.
Nous sommes jumelles et très liées, mais nous ne nous ressemblons pas vraiment. Chiara a tout hérité de Papa. Quant à moi, je ressemble à ma mère.
Elle porte ses cheveux longs, raides et noirs. Et moi, j'ai les cheveux châtains, comme Maman, avec des boucles en prime.

Nous nous considérons comme parfaitement complémentaires. À nous deux, nous agissons comme une seule unité aux compétences multiples.
C'est pourquoi il m'a été un peu difficile, dans un premier temps, de ne pas me sentir effacée par son compagnon.

Heureusement, assez rapidement, cette crainte s'est dissipée en étudiant Nathan. C'est une bonne personne qui a su trouver sa place dans notre famille, en s'affirmant comme un bonus, et non comme un usurpateur.
Papa et maman l'aiment bien. C'est un très bon indicateur.

Si mes parents aiment quelqu'un, je peux être certaine que c'est justifié. Je fais confiance à leur instinct.

Et puis... c'est le compagnon de ma sœur, les agissements de la Déesse sont toujours bienfaisants.
De ce fait, même si je suis impatiente de trouver le mien, qui n'a toujours pas décidé d'apparaître dans ma vie... je suis confiante.

Revenons à la meute.

La forêt libre est toujours libre, nous n'avons pas cherché à l'accaparer. Les gens ont simplement l'habitude d'y croiser des loups.

Ma sœur et moi en profitons souvent ensemble. Sa louve est entièrement noire, quand je vous dis qu'elle a tout hérité de mon père... La mienne est brune et sable sur les pattes et la queue.

L'avantage est qu'une robe comme la mienne est plus rare, on me reconnaît alors facilement, avant même que mon odeur rappelle l'appartenance à ma célèbre famille.

Je dis « avantage » car si on me reconnaît, on ne me cherchera pas, enfin, en général.

Les loups solitaires restent à l'affût des jeunes femelles sans compagnons, et tentent leur chance. Ce qui m'arrive lorsque je gambade dans les forêts des meutes alliées.

Parfois, je suis d'humeur joueuse et j'accepte une brève romance. Mais souvent, ils sont lourds, trop entreprenants, et ne cherchent qu'à dominer.
Je suis une Alpha, oui, mais justement. Certains mâles sont d'autant plus captivés par le défi de la domination, et ça me gonfle...

Je ne suis pas une petite chose fragile même si j'en ai l'air quand je suis humaine. Ils l'apprennnent alors à leur dépend.

En tout cas, ceux qui ne m'approchent que pour se prouver quelque chose ne font pas long feu. Ils sont toujours surpris de ma capacité à leur botter le cul aussi bien louve que femme.

Nos gammas vampires nous ont formés dès le plus jeune âge et continuent à le faire. Même si je sens qu'ils aimeraient bien passer le relais.
Des loups les remplacent souvent au Bartolomeo pour leur laisser plus de temps libre, mais je sais qu'ils veulent une retraite bien méritée, tout comme Papa.

Reste à trouver de bons remplaçants.
Beaucoup de loups sont de bons candidats... Mais je veux une bête pour ce rôle, un mega-expert du cassage de gueule, et je ne l'ai pas encore trouvé.
Mon père, Antonio et Luigi ont été de super mentors, je leur dois beaucoup. Il faut que la relève soit à la hauteur, moi y compris.

Nous comptons dans nos rangs quasiment tous les corps de métier. Des écoles ont été aménagées au bout de la rue, et notre petit dispensaire est juste en face.

L'ancien bureau de ma mère est toujours fonctionnel avec notre équipe de gardiens du droit.
L'un de nos loups fait aussi partie du conseil municipal afin d'être toujours transparents et impliqués dans la vie de la ville.

D'ailleurs, je dois organiser mes prochaines visites dans les infrastructures de Bormur.
Je me décide à reprendre ma paperasse quand j'entends frapper à la porte.

... Je perçois un petit être familier sur le point d'ouvrir...

Déesse, c'est vraiment lui ?

Il ouvre doucement la porte, et j'aperçois sa petite frimousse que je n'ai pas vu depuis près d'un an.

« Oh, mon p'tit chat !!
Viens vite dans mes bras !! »

Mon neveu de quatre ans court jusqu'à moi et me serre...

J'ai toujours peur que mes neveux et nièces ne m'oublient, étant donné qu'on ne se voit pas très souvent... Mais nos liens sont si forts et ancrés, qu'ils sont toujours heureux de nous revoir.

Je retiens mes larmes tant je suis émue de sentir ce petit bout d'chou adoré dans mes bras...

« Bonjour, Tata June !
- Bonjour mon bébé, comme tu as grandi !
- Hé, Je ne suis plus un bébé !
- Oh, c'est vrai... Quatre ans ! Tu es un grand garçon, mon Ryz à moi... comme je suis contente de te voir !!
Mais...
Où est papa ? »