Faire la part des choses

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June

Je suis rentrée, encore un peu déphasée.

Mes parents m'observent sans trop me questionner, et tant mieux. Parce que je crois que je suis encore plus chamboulée qu'avant de le rencontrer...

Comme souvent en ce moment, je vais me planquer dans mon bureau. C'est mon petit sanctuaire pour réfléchir et trouver le meilleur moyen de mener de front tout ce qui occupe ma vie.

Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'un raz-de-marée est en train de menacer sérieusement de foutre en l'air les rouages que j'avais minutieusement étudié avant de les mettre en place un à un.

Et pourquoi, soudainement, je m'en fous ?
Je ne sais pas pourquoi mon esprit est aussi... changé... comme si j'avais désespérément envie de foncer dans le mur, moi, qui suis habituellement si attachée à la tranquillité, la sécurité, et la stabilité.

J'ai un goût d'inachevé.
Je suis complètement obsédée à l'idée de le revoir et de profiter de tout ce qu'il peut m'offrir. Comme si je crevais littéralement de faim et qu'il était le seul à pouvoir me nourrir.

Je regarde mon téléphone en espérant qu'il sonne alors que ça ne fait que quelques heures que je suis rentrée.

Déesse... Le souvenir de ce moment insensé est encore tout frais dans mon esprit, alors je me replonge dedans en boucle, comme pour ne surtout pas le laisser s'estomper.

Il n'est que provocation, démesure, impulsivité... et j'en veux. J'en veux même cruellement.

Il a créé un besoin obsédant et intense en moi.
Comme lors d'une course, lorsque vous êtes quasiment arrivé et que vous vous battez avec un adversaire pour franchir la ligne en premier.
Vous êtes prêts à tout pour décrocher la première place, vous ignorez les appels de votre corps qui souffre, vous ignorez la raison et le danger, vous avez trop soif de cette victoire si proche et de la sensation unique que ça va vous procurer...

« June ?
- Oh.. Maman, oui ?
(Je ne l'ai même pas senti ou entendu entrer...)
- Tu avais l'air si préoccupée... parle-moi.
- (Merde, j'y ai cru...)... Maman, Chiara est déjà tout le temps sur mes côtes. Je suis quelqu'un de préoccupé de tout, tout le temps, alors ne vous fatiguez pas.
- Non. Cette fois, c'est différent.
Chérie, je demande sans arrêt à ton père et ta sœur de te laisser évoluer comme tu le souhaites parce que je sais que tu as ce besoin.
Je te fais entièrement confiance pour trouver toi-même la voie qui te fera vivre en paix après tous tes doutes et tes questionnements, mais là...
Je pense qu'il se passe quelque chose de gros, et qu'il faudrait que tu nous parles. Tu attaches trop d'intérêt à vouloir faire les choses seule en toute autonomie pour prouver au monde et à toi même de quoi tu es capable et je comprends ça. Mais, ne t'enferme pas là-dedans.
- Tu as parlé à Chiara...
- Eh bien figure-toi que non.
Chiara pense que tu veux toi aussi faire l'expérience de « l'émancipation » en te détachant un peu d'elle. Mais elle ne le déplore pas, elle essaye d'être patiente.
- Attends, ce n'est pas du tout ça. Je ne suis absolument pas rancunière, je ne cherche pas à lui rendre la monnaie de sa pièce ou un truc du genre, vraiment.
- Non, je sais bien. Elle ne le pense pas dans le mauvais sens. Elle se demande justement si elle ne t'étouffe pas un peu trop... tout en voulant se montrer présente pour toi.
- Je vois...

(Ma mère est mon amie... depuis toujours. Elle a toujours fait en sorte d'être là pour moi tout en respectant mon jardin secret... peut-être comprendra-t-elle...)

Écoute... Maman. Je ne veux pas te mentir, il se passe effectivement quelque chose de très déstabilisant pour moi. Je suis face à quelque chose d'important, et je dois agir avec réflexion et précaution, comme le disait Papa pendant le dîner l'autre soir.

Destins liés, 3. Les jumelles AlphaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant