Quand j'ai pris la décision de devenir accompagnateur je pensais prendre la solution de la paix du cœur. Je recommençais à zéro, sans les tourments de la vie quotidienne, de la pression que peuvent ressentir les humains. Je me suis lourdement trompé. Mon cœur ne bat plus, et pourtant, depuis ma rencontre avec Mya, j'ai l'impression qu'il a des loupés et que, parfois, il s'accélère. J'ai beau y poser ma main, je ne sens pourtant rien sous mes doigts. Mais quand je vois Mya me regarder avec ses yeux inquiets, alors qu'elle tente de faire passer ça pour de la colère, je le sens se fendiller et menacer d'exploser.
— Ne fais pas un pas de plus, me menace Mya.
— Je ne choisi pas.
Je la vois mordre l'intérieur de sa joue pour ne pas en dire davantage et ne pas passer pour une folle dans ce couloir blanc immaculé. Lorsque je rentre complètement dans la chambre, je peux apercevoir du coin de l'œil que sa main est prête à empoigner mon bras pour stopper mon élan.
— Mya, je ne fais pas ça contre toi. Si ce n'est pas moi, se sera un autre accompagnateur. Mais c'est comme ça. Je ne choisi pas.
Je la sens se tendre auprès de moi, mais elle n'esquisse finalement aucun geste pour me retenir. Elle me suit simplement et retient son souffle dans l'attente. Je décide de détourner mon attention d'elle et observe la femme qui est étendue sur le lit. Mya n'aurai pas eu à préciser que c'est sa mère, elles se ressemblent. Même visage en cœur, bien que plus fin pour sa mère. Même nez délicat. Je remarque seulement une différence dans leurs cheveux, la femme les a courts, lisses et est brune. La chevelure de Mya est plus longue, plus indisciplinée avec de jolis reflets cuivrés qui rehaussent son teint. Sa mère a le teint gris. Son expression de visage ne révèle pas la sérénité mais bien un sentiment à l'opposé. Elle souffre.
— Ils m'ont appelés il y a une heure à peu près. Je ne voulais pas venir au début. C'est toujours la même chose avec elle.
Mya m'explique la présence de sa mère d'une petite voix. Son regard est fuyant et se pose partout sauf sur la femme étendue dans ce lit d'hôpital. Elle serre ses bras contre elle. Elle paraît avoir froid malgré son pull épais orange qui fait ressortir des petites taches de rousseur sur son nez et ses pommettes. Elle a les sourcils froncés, d'inquiétude et d'agacement. Je garde mes yeux rivés sur Mya pendant que celle-ci m'explique la présence de sa mère entre ces murs.
— Elle boit. Trop. Elle a encore été retrouvée sur le parking d'un bar qui ne l'a pas encore mis sur liste rouge. Parfois elle est simplement vaseuse. Cette fois, elle était inconsciente. Je... Je n'ai pas voulu en savoir plus. J'allais partir quand je t'ai vu. J'allais... Oh mon dieu, je suis une personne horrible.
Mya se recroqueville sur elle même, et je ne vois plus la femme qui tente d'appréhender notre situation sans paniquer. Cette femme qui a passé une soirée complète à discuter avec un parfait étranger, qui plus est fantôme à ses yeux, de sa vie. Je vois une jeune fille terrassée par les liens familiaux qui la retiennent prisonnière. Elle allait partir, et alors ?
— Alors pars.
Ma voix claque dans le silence de cette chambre d'hôpital. Mya écarquille les yeux tentant de prendre l'ampleur des conséquences de ma proposition.
— Qu... Quoi ?
Elle relève la tête vers moi avec rapidité et s'étrangle avec ses paroles.
— Si tu voulais partir, alors pars. Rien ne te retient. Elle mourra que tu sois présente ou non, expliqué-je.
— Toi, on ne peut pas dire que c'est la compassion qui t'étouffe. Rappelle moi ce que tu fais au quotidien ? Je ne peux pas partir. C'est ma mère.
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Il est temps.
FantasyMonotonie, ennui et lassitude. Voilà ce qui rythme sa vie. Bien qu'il ne soit pas vraiment... en vie. Vingt-cinq, un accompagnateur, est l'un des milliers a transporter les âmes après leur trépas. Son travail l'occupe mais il n'en tire ni gloire, ni...