13.

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Lorsque je suis arrivé chez Mya, celle-ci rentrait de son travail et était épuisée. La voûte céleste laissait apparaître des couleurs orangées, le soleil se couchait. La nuit serait douce. Mya me résumait l'avancée de la santé de sa mère quand quelqu'un a frappé à sa porte. J'ai vu ses épaules se raidirent à la découverte de la personne présente sur son pallier. J'étais prêt à partir quand j'ai compris qui se trouvait là, mais je n'ai pas pu m'y résoudre. Je voulais découvrir un peu qui est la meilleure amie de Mya, qui se cache sous ces cernes et ces demi-sourires.

Seulement, cela fait 30 minutes que je suis prostré dans un coin de l'appartement, et à part regarder un film dont je n'ai même pas retenu le nom, elles n'ont rien fait. Si Mya met un point d'honneur à ne pas regarder dans ma direction, Olivia me semble de plus en plus agitée. Elle se frotte les tempes, cligne des yeux un peu plus souvent, et une fine pellicule de sueur s'est posée sur son front. Comme un mélange de fièvre et de nervosité.

Après 10 minutes de plus à les observer sans dire un mot, ni de ma part, ni de la leur, je décide qu'il est le moment pour moi de les laisser pour se retrouver. Je bouge doucement pour préparer Mya à mon intervention de façon à ce que celle-ci ne sursaute pas si elle avait oublié ma présence.

—    Mya, je dois partir, je la préviens en chuchotant.

Elle hoche imperceptiblement la tête. Je me prépare à quitter le petit salon sur ces paroles mais je ne peux me résoudre à partir sans ajouter :

—    Je reviendrai.

Un sourire né doucement sur ses lèvres, et je sais que ce n'est pas du au film, ni à la présence soudaine de son amie. C'est moi, et rien que moi, qui fait naître cet éclat sur son visage. J'ai beau marteler ma tête que ce n'est qu'un sourire de politesse lorsque je retrouve mon bord de mer, je n'arrive pas à endiguer ce sentiment de fierté qui enfle dans ma poitrine.

***

La nuit passe, lentement. J'emmène plusieurs âmes au Bureau. J'évite Quarante de manière plus ou moins discrète. J'évite aussi Treize. Il n'insiste pas sachant pertinemment que lorsque je suis ainsi c'est que la solitude m'appelle. Il sait me laisser mon espace, mais ne reste jamais loin très longtemps. Juste le temps nécessaire. Je n'ai pas été seul depuis une longue période, j'ai besoin de cela pour réfléchir, pour remettre en ordre mes pensées. J'ai passé trop de temps avec Mya, oubliant le pourquoi de mon existence. J'ai expédié, plus qu'accompagné, mes âmes ces derniers temps. J'ai oublié mon humanité pour laisser place à mon égoïsme. Je voulais passer du temps avec elle. Apprendre sa vie, ses émotions, ses souvenirs. Apprendre ses réactions, ses pensées, ses folies. J'ai oublié les conditions de notre rencontre pour savoir sa couleur préférée, son endroit favori, ses premières peines et ses premières joies. Je n'ai plus cherché à savoir pourquoi elle pouvait me voir, appréciant simplement le fait qu'elle le pouvait.

Quand mon esprit n'est plus capable de se concentrer sur mon travail, dérivant vers Mya, je prends la décision de la rejoindre. Tant pis pour la liste, tant pis pour leurs retrouvailles entre elle et Olivia. Après cette sensation de tiraillement dans la colonne vertébrale, un clignement d'œil et les rues vides d'une ville de campagne laisse place à un salon qui m'est devenu familier. Le canapé est vide, la télévision est éteinte et un léger ronflement se fait entendre sur ma droite. Mya dort encore. Je regarde l'horloge au style industriel accrochée au-dessus de la commode de l'entrée et je me rends compte qu'il est encore très tôt. Si je la réveille, elle trouvera le moyen de me tuer malgré que je sois déjà dans l'autre monde.

Je pèse le pour et le contre pendant plusieurs secondes. Je me demande si ce serait trop abusé de rejoindre la chambre. Juste pour voir si Olivia est encore là. Oui, juste par curiosité. J'arrive à me convaincre que mon intérêt est juste une vilaine indiscrétion et décide finalement que cela ne vaut pas le coup de risquer sa colère. De plus, je ne suis pas de ces personnes qui abusent de la confiance d'une autre. Je ne pense pas qu'elle apprécierait de me retrouver au pied de son lit à son réveil. Pas sans invitation au préalable. J'écoute encore quelques respirations pour apprécier la vie qui bat dans cet appartement, et je pars sur mon bord de plage pour regarder le lever du soleil.

Il est temps.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant