17.

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—    Treize ! Allons, calme-toi !

Voilà 10 bonnes minutes que je bataille auprès de Treize pour sauver mon existence actuelle. Si j'ai, en premier lieu, fais face à son incrédulité, depuis qu'il s'est mis debout je vois son corps bouillonner de rage. Les mains tendues devant moi, je ne tourne surtout pas le dos à Treize qui me fait face et avance d'un air menaçant.

—    J'suis pas né de la dernière plume Vingt-cinq. Je vois bien que tu en pince pour mon tout petit bébé.

Inutile de le reprendre sur l'expression qu'il vient d'employer, je ne tiens pas à ce qu'il me tape jusqu'à épuisement. Je ne peux pas non plus réagir à la façon dont il nomme Mya. Il a perdu plusieurs années de sa vie. Pour Treize, quand il l'a quitté, Mya n'avait que 8 ans d'après ce qu'elle m'a expliqué. Il a raté une grande partie de l'évolution de sa fille.

Treize va devoir appréhender le fait que 16 ans se sont écoulés depuis sa mort. Et si lui n'a pas changé depuis ce jour fatidique, Mya a continué à grandir, à changer, à vivre. Tout l'inverse de son père. Treize a tellement à apprendre sur Mya, tellement de temps à rattraper. Une vie ne sera pas suffisante pour effacer un gouffre de douleur.

—    Elle était toute petite dans mon dernier souvenir, se remémore Treize. Elle avait un trou dans sa dentition, sa dent peinant à pousser. Ça lui allait tellement bien.

Treize détend ses épaules au fur et à mesure de l'avancée de ses souvenirs. Je relâche, moi aussi, la tension dans mon corps et écoute religieusement mon ami. Au-delà du fait que je ne veux pas réveiller une nouvelle fois la bête, je prends plaisir à apprendre comment était Mya dans son enfance.

—    Elle était débrouillarde pour son âge, continue Treize avec un large sourire. Sa...sa mère n'était pas facile à vivre et je devais parfois délaisser Mya au profit de Liliane.

Soudain Treize se plie en deux et tombe les genoux au sol. Il tient sa tête et grimace. Je me précipite vers lui, l'appelant pour attirer son regard sur moi. Mais il ne semble pas présent à mes côtés, la douleur l'emmenant loin dans son esprit.

—    Treize ! Treize !

La panique prend possession de mon être. Même lorsque le Supérieur nous a soumis à sa volonté, il ne me paraît pas avoir eu aussi mal que mon ami en cet instant. La tête balancée en arrière, sa grimace déforme ses traits, ses mains sont plaquées sur ses oreilles comme si il entendait un son strident.

Après ce qui me semble être une éternité, Treize prend une grande inspiration, telle une reprise d'air après une longue apnée. Comme s'il était enfin sauvé de la noyade.

—    Ma mort, halète t'il.

Il n'a pas besoin d'en dire plus pour que je comprenne. Il a vécu une nouvelle fois sa mort. Mes âmes n'ont pas l'air de souffrir quand elles apparaissent à côté de moi. Mais revivre sa fin ne doit pas être de la même nature. Et les traits tirés de Treize me confirment que ce n'est pas une simple balade dans son esprit. Il souffre.

Le corps de Treize lâche complètement et il s'écroule de tout son long. J'ai à peine le temps d'amortir un peu sa chute. Alors que je me penche sur lui, ce que je pensais être des gémissements qui sortaient de sa bouche sont en fait des « Mya » répétés inlassablement.

***

Treize a mis plusieurs heures avant d'ouvrir les yeux. A son réveil, il était plus alerte que jamais. Son objectif était de rejoindre sa fille. Il a fallut que je sorte nombres d'arguments pour qu'il ne se précipite pas.

Même si Mya a maintenant conscience de notre monde, je ne crois pas que voir son père débarquer sans prévenir après 16 ans dans sa tombe, soit du plus délicat. Mais justement, c'est un père qui n'a pas vu sa fille depuis 16 longues années. Et ce simple événement justifie le fait que je vais apparaître dans le salon de Mya en pleine nuit.

Il est temps.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant