Depuis ma mort, le temps m'avait toujours paru extrêmement long. Je comptais les secondes, persuadé qu'elles ralentissaient leur course juste pour me narguer. Je ne pouvais pas plus me tromper. Comment le temps pouvait passer si lentement ?
Plusieurs jours se sont écoulés depuis l'enterrement d'Olivia. D'autant plus depuis que j'ai du l'accompagner dans sa mort et que Quatre m'a lancé cette menace à peine voilée. Il sait tout. Cependant, je ne sais pas ce que ce qu'il sait exactement. Après sa phrase choc, monsieur m'a fait un clin d'oeil avec un sourire insolent avant de s'éclipser sans que je n'ai le temps de réagir. Depuis il est aux abonnés absent, lui qui passait l'intégralité de ses journées à m'observer dernièrement.
Je tourne en rond, sachant que je ne peux pas passer trop de temps en présence de Mya. Quatre m'a mis le doute et je ne peux me permettre de la mettre en danger. C'est la même problématique pour Treize. C'est un lion en cage. Il est d'une humeur massacrante et bâcle même ses accompagnements. Je ne l'ai jamais vu comme cela.
— Y a pas à dire, tu es vraiment sous ton meilleur visage ! râle justement ce dernier.
— Jour. Tu peux parler, répliqué-je.
— Quoi jour ? Je vois bien qu'il fait jour !
Treize arpente la rue de long en large, faisant de grands gestes avec ses bras, le regard furibond. Notre conversation n'avance à rien depuis 10 minutes déjà et il s'impatiente à une vitesse phénoménale. Nous sommes tous les deux sur un accompagnement d'âmes et nous devons nous accorder sur la marche à suivre. Mais Treize est trop tendu. Chaque proposition que je lui fais ne lui convient pas. J'ai fini par m'impatienter moi aussi, voilà pourquoi mon attitude ne lui convient pas.
— Treize calme toi, merde !
Il arrête subitement son va-et-vient, me toise et me fait un geste peu courtois, se retourne et reprend son manège. Je ne l'ai jamais connu aussi grossier, et cela montre bien à quel point il est à fleur de peau. Cela suffit à faire descendre ma propre exaspération. J'oublie parfois que Mya est sa fille, qu'il n'a pas vu pendant des années de surcroit. Il est normal qu'être séparé une nouvelle fois, en toute âme et conscience, le chamboule à ce point. Même si Mya me manque, atrocement, l'éloignement forcé doit déchirer une partie du coeur de Treize. Je me radoucis.
— Veux tu bien arrêter de faire des aller-retours s'il te plait ? Tu vas finir par faire une tranchée.
Treize me tourne le dos et, à part le fait qu'il a ralenti sa course, rien ne semble montrer qu'il m'a entendu ou qu'il va prendre mes paroles en compte. Quelle tête de mule.
— Treize, j'attaque à nouveau, s'il te plait ?
Il finit par s'arrêter complètement et baisse la tête. Il expire un bon coup et se tourne finalement vers moi. Je croise son regard et lui sourit avec toute l'amitié que j'ai pour lui. Je veux qu'il sache qu'il n'est pas seul dans cette attente interminable. Dans cette galère.
— Ça ne va pas tarder à être le moment, je recommence. Une mère et sa fille. Tu veux t'occuper de qui ?
— La mère, répond il sans hésitation.
Je cille. Je pensais vraiment qu'il choisirai la fille. Il a un don avec les enfants. Lors de précédentes intervention, il a toujours su gérer avec empathie et douceur les demi-portions. C'est pour cela qu'en général, c'est lui qui s'y colle. Treize doit se rendre compte de ma confusion parce que il s'empresse de préciser :
— Je ne peux pas me retrouver face à une enfant maintenant. Je... Je ne m'en sens pas capable.
J'acquiesce. Je crois que je peux comprendre. Je n'ai jamais été un grand sentimental, rejetant les élans d'émotions de mes congénères. Aujourd'hui, en apprenant a accepter mes propres émotions, je prend conscience de celles des autres. Et le sourire que m'adresse Treize me prouve que je ne suis pas le seul à avoir remarquer le changement de mon comportement.
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Il est temps.
FantasyMonotonie, ennui et lassitude. Voilà ce qui rythme sa vie. Bien qu'il ne soit pas vraiment... en vie. Vingt-cinq, un accompagnateur, est l'un des milliers a transporter les âmes après leur trépas. Son travail l'occupe mais il n'en tire ni gloire, ni...