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Il y a des moments dans la vie où il suffit d'un clignement d'yeux pour se rendre compte que plus rien ne sera jamais comme avant. Il en faut un autre pour se demander à quel moment tout à foiré comme cela. Puis encore un pour réalisé que... Putain c'est la merde !

Je cligne pour la cinquième fois des yeux, et la scène n'a pas évoluée. J'en suis à me demander si je n'ai pas rêvé le « papa » que Mya à soufflé avec une douleur dans la voix. Treize finit par bouger, enfin. Et quand je pense qu'il va réagir, parler, se tourner vers moi, ou bien hurler peut être, Treize s'enfuit. Il part. Il ne dit pas un mot, ne répond pas à Mya et ne cherche pas à avoir mon attention. Il disparaît et laisse une Mya pantelante dans l'encadrement de la porte, et moi-même, sidéré.

— Mya ? As-tu terminé ta lecture ?

Vivienne arrive à sa suite, aveugle au tourment de la jeune femme. Mya à son regard fixé sur moi. Des larmes dévalent ses joues. Je sens qu'un grand nombre de questions se pressent sur le bord de ses lèvres, mais elle ne sait pas par laquelle commencer. Et je ne suis pas prêt à y répondre. Que pourrai-je lui dire de toute façon ?

Je me rends compte que je ne connais rien de Treize. Pas plus que lui ne se connait finalement. Si il avait su qu'il avait une famille, il ne se serait pas échiné à rester auprès de moi, à me soutenir à sa manière, et il aurait profité de sa fille. Il ne connait pas cette partie de son existence passée, effacée le jour de sa mort. En revanche, je connais son caractère, et je sais qu'il va regretter d'être partit de la sorte. Je dois le retrouver. Je dois le ramener. Je dois le soutenir.

Alors que je m'apprête à avancer vers Mya afin de lui donner le soutient dont elle a besoin, le tiraillement reprend du service. La douleur est plus intense que tout à l'heure, telle que je me sens comme écartelé. Je m'écroule au sol. Incapable d'aligner deux mots à la suite. Je sens que mon corps est prêt à céder à l'appel que je ressens depuis trop longtemps maintenant. Alors avant de disparaître à mon tour, je scrute le doux visage de Mya. Je ne sais pas où je pars, ni pour combien de temps, alors je la grave dans ma mémoire, persuadé que même si on devait me l'effacer, Mya y sera à jamais.

***

Lorsque je rouvre les yeux, je suis à genoux au milieu du Bureau. Des dizaines d'accompagnateurs sont autour de moi, dans la même position. Je tourne la tête frénétiquement, à la recherche d'une chevelure rousse. Treize est non loin de moi, mais il à le cou courbé et observe le sol. Ses épaules sont basses. Je ne vois pas ses yeux, et il est trop loin de moi pour que je n'ose lui parler.

Je ne relâche pas mon attention de Treize, malgré le Supérieur qui fait des allés retours un peu plus loin. Autour de moi, les Accompagnateurs tressaillent. Je finis par analyser qui se trouve à mes côtés. Les membres du Bureau sont eux aussi à genoux. Quarante est juste sur ma droite, il grimace mais je ne saurai dire si c'est d'inconfort ou d'appréhension.

— Qu'as-tu fais ? grince-t-il entre ses dents serrées.

— Mais rien ! m'offusqué-je.

Visiblement notre petite discussion à cœur ouvert ne l'a pas aidé à me faire un peu plus confiance. Je n'ai pas le temps de m'insurger plus, un grondement résonne au creux de mon crâne. Je ne suis pas le seul à l'entendre, tous grimaces, certains gémissent.

— Qui perturbe notre équilibre ? tonne une voix.

La grande silhouette du Supérieur s'est figée. Je ne vois pas son visage, sa grande capuche le cachant, mais je peux sentir son attention passer d'une personne à l'autre. Sa grande cape noire ondule autour de lui, donnant l'impression que ses pieds ne touchent pas le sol. J'ai parfois pu apercevoir une main décharnée, seule preuve concrète qu'un être de chair se trouve sous de long morceau de tissus. Aujourd'hui, malgré sa fureur, Il ne laisse rien apparaître. Il cherche la moindre preuve de faiblesse chez l'un de nous. Je fais attention à ma posture, mais surtout à mon expression faciale. Je ne dois pas montrer que cette question m'affecte. Je le sens dans toutes les fibres de mon corps, s'Ils se doutent de quelque chose, je suis fini.

Il est temps.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant