Jour 136 - Dix minutes après le départ de l'amie :

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A lire en solitaire ;)

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Hel est debout au milieu du salon, les bras croisés, jetant au chat qui déambule des regards mauvais. Je lui devine une attitude plus sombre suite au départ de mon amie. Je la sais tendue, vexée, dirai-je même alors que ses raisons m'échappent complètement. Sérieusement, ne fait-elle pas un monde d'un simple chat ? Je tente alors une note d'humour même si ça n'a jamais été l'un de mes points forts.

- Dois-je m'inquiéter pour la santé du chat ?

- N'ai crainte, je ne prendrai pas le risque de toucher à cette saleté, grogne-t-elle.

Je soupire en comprenant qu'elle a un caractère combatif. Mes épaules s'affaissent, je m'appuie contre mon bureau en la détaillant une seconde. Je plisse les yeux. Sa colère ne semble pas vouloir battre en retraite. Elle aussi, m'apparaît comme un volcan prêt à déborder. Seulement, j'ai beau essayer de fouiller mes propres émotions, je n'y décèle aucune trace de colère, je suppose que celle-ci est donc bien la sienne et non un énième stratagème pour me préserver d'un sentiment trop violent.

- Et si tu me disais ce qui ne va pas ?

Elle me flingue des yeux, s'autorise même l'audace d'un sourire amer et détourne le regard. Ici, elle courtise le scandale, semble bien décidée à ne pas me rendre la tâche facile. Je prends une grande inspiration, assimile que je vais devoir rester calme pour deux. Je fais un pas vers elle, elle m'arrête :

- N'approche pas.

J'obéis mais je reconnais ce regard. Mélange de désir et d'obsession, quelque chose de profondément malsain, d'instable qui pourrait donner à la mort l'envie de faire demi-tour.

- Tu as faim...je murmure.

Elle grimace, c'est la première fois qu'elle semble en avoir honte. Et comme je ne veux pas voir ça dans ses yeux, j'autorise :

- Hel, c'est bon, nourris-toi.

Elle secoue la tête, s'y refuse, son regard toujours plus fuyant. Elle peine à lutter, je le sens. Je ne comprends pas ce qui la bloque. Au fil des jours, nous sommes parvenus à trouver un rythme qui nous convient. Je la laisse se nourrir comme bon lui semble, à la condition de me demander permission et de ne pas m'épuiser outre mesure. Je dois avouer que toutes les fois où elle a eu besoin de mes services, j'ai senti qu'elle avait pris quelque chose, mais je m'en accommodais. Après tout, je ne pouvais pas la laisser mourir de faim. C'est mon choix et je dois d'ailleurs souvent le lui rappeler. Cet arrangement nous va très bien. Alors pourquoi remet-elle tout en question maintenant ?

Elle m'apparaît soumise à une torture évidente. Ses dents sont serrées, ses phalanges blanchies par l'effort. Elle gesticule, se triture les doigts, tremble un peu comme une camée en manque. Je ne peux décemment pas la laisser dans cet état. Alors je désobéis et m'approche. Sans qu'elle n'ait eu le temps de protester, je fais un pas de plus, prends ses mains dans les miennes. Je les sens moites et extatiques. Je sens son cœur battre au bout de ses doigts.

- Je t'ai dit de ne pas approcher, petite fille.

"Petite fille", ça revient comme une mauvaise rengaine à chaque fois qu'elle a besoin de me menacer. C'est rare mais j'en prends la triste habitude.

- N'essaye pas de me faire croire que tu es dans cet état à cause d'un chat, et jusqu'à maintenant tu n'as eu aucun problème à te nourrir de moi, j'explique aussi calmement que possible. Alors, s'il te plaît, dis-moi pourquoi c'est différent maintenant.

Le serpent avait l'air gentil.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant